« Une insulte à la nation roumaine ». Lors d’un match de hockey sur glace opposant la Hongrie à la Roumanie, une partie de l’équipe roumaine, majoritairement d’origine magyare, ont rejoint les supporters hongrois pour chanter l’hymne sicule, provoquant l’ire d’une partie de la classe politique roumaine.
Le 8 mai, les sélections nationales roumaines et hongroises de hockey sur glace s’affrontaient à Ljubljana dans le cadre des championnats du monde. A l’issue du match, remporté 4-2 par la Hongrie, plusieurs témoins et vidéos révèlent qu’une partie des joueurs roumains ont rejoint les supporters hongrois présents dans les tribunes pour chanter avec eux l’hymne des Sicules.
En effet, la majorité de l’équipe roumaine est composée de joueurs venus du Pays sicule, cette région au cœur de la Roumanie peuplée à majorité de Magyarophones revendiquant leur appartenance à la nation hongroise. Lorsque des supporters ont commencé à chanter leur hymne, une partie des joueurs s’est ralliée à eux.
En Roumanie, l’affaire n’est pas passée inaperçue. Le site d’actualité sportive Prosport.ro, qui a partagé une vidéo révélant la séquence, évoque une « scène révoltante », et souligne que seulement trois joueurs de l’équipe se sont tenus à l’écart des chants.
Un « affront » et une « trahison »
La classe politique s’est vite emparée de l’affaire. Le vice-premier ministre, Sorin Grindeanu (PSD, social-démocrate), a dénoncé sur Facebook un « affront et un manque de respect éhonté envers la Roumanie, envers les Roumains et envers le drapeau tricolore », ajoutant qu’il ne pouvait pas « comprendre ni tolérer le geste infâme des joueurs de hockey de l’équipe nationale roumaine qui ont chanté le soi-disant hymne du pays sicule ». Le vice-président du parti social-démocrate en appelle à son homologue du ministre des Sports pour prendre les « sanctions les plus sévères ».
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Csoma Botond, le président du groupe parlementaire de l’UMDR (Union démocrate magyare de Roumanie, membre de la coalition gouvernementale actuelle) a dénoncé les propos « inadmissibles » Grindeanu. « Sans parler du fait qu’il est inacceptable d’être aussi intolérant en 2022, c’est stupide puisqu’il n’y a aucune insulte dans l’hymne sicule, ni envers la Roumanie, ni envers les Roumains », explique-t-il auprès de Europa Libera Romania.
Le président de la fédération roumaine de hockey a ensuite accusé ses joueurs de trahison nationale. A Prosport.ro, il déclare que les joueurs en question « n’avaient pas envie de jouer » et se sont même « retournés contre le pays qu’ils représentent ». « Leur cœur n’était pas avec la Roumanie, mais avec la Hongrie ! Je sais que c’est une accusation sérieuse, mais c’est ce qu’il s’est passé » poursuit le dirigeant, pour qui « ce n’est pas une coïncidence », mettant en cause l’ancien président de la fédération roumaine de hockey, Barna Tánczos.
Lui-même issu de la minorité hongroise, Barna Tánczos est l’actuel ministre de l’Environnement et se trouvait dans les tribunes au moment des faits. L’un des députés du parti de droite radicale AUR, Dan Tanasă, n’a pas manqué de pointer du doigt sa présence parmi les supporters hongrois, évoquant une « insulte à la nation roumaine ». Barna Tánczos rétorque qu’il y avait également des supporters roumains autour de lui et qu’il portait le maillot de son équipe roumaine préférée.
Le ministre des Sports calme le jeu
Le verdict de la fédération de hockey quant à une possible suspension des joueurs concernés n’est pas encore connu. En attendant, le ministre des Sports Eduard Novak, a tenté de calmer les esprits en déclarant que les joueurs ont chanté l’hymne sicule après la fin officielle du match, et qu’ils n’ont en aucun cas porté atteinte à l’état roumain. « Je crois que les réactions sont exagérées. Tout le monde sait que 90% de la sélection nationale vient de Harghita [un département à majorité magyare], et qu’il s’agit donc de Hongrois » a déclaré le ministre auprès de Agerpres.
« Je crois qu’il faut aller au-delà de cette affaire et reconnaître que ces athlètes sont d’origine hongroise, qu’ils ont leur propre hymne, leur propre culture, mais que ces sportifs n’en représentent pas moins la Roumanie et s’engagent pour la Roumanie » a également souligné Eduard Novak, qui souhaite désormais clore le débat.
Pour aller plus loin, lire notre entretien avec Ágnes Patakfalvi-Czirják, anthropologue à l’Académie hongroises des Sciences, spécialiste de la question sicule.