Avec le parti qu’il a créé en septembre en Pologne, l’ancien maire de la ville de Słupsk, une personnalité emblématique de l’opposition au PiS, veut se poser en recours à l’affrontement binaire entre le Droit et Justice au pouvoir et la Plateforme-civique dans l’opposition.
Après son succès électoral lors des élections locales cet automne, Robert Biedroń nourrit de grandes ambitions politiques. Il se prépare même à sauter dans le grand bain avec son parti créé au mois de septembre. Dans une interview lundi 10 décembre avec l’Agence Polonaise de Presse (PAP), il commence à lever le voile sur ses motivations, sa stratégie et ses buts.
Celui qui peut se targuer d’avoir réussi à devenir maire de Slupsk avec un programme progressiste, une ville de cent mille habitants en Poméranie, à six heures de routes de la capitale, ne veut pas se positionner comme le candidat des citadins des métropoles. Il insiste au contraire sur l’égalité des chances entre les régions et dit se focaliser sur les villes petites et moyennes car, selon lui, le « Varsovie-centrisme rend les gens amers et les pousse dans les bras des populistes ». Il estime que les habitants de ce que l’on appelle souvent la « Pologne B », qui se sentent délaissés par le pouvoir central, commencent à associer le PiS à la « caste politique ».
Biedroń prend aussi le contrepied du gouvernement qui continue de miser sur le charbon comme source d’énergie majeure pour l’économie polonaise. Il veut au contraire une sortie du charbon au profit des énergies renouvelables et argue que la ville dont il a été maire est la seule en Pologne à bénéficier d’une bonne qualité de l’air.
La réduction de la dette publique qu’il a opéré dans sa ville de Słupsk préfigure-t-il d’un vaste programme d’austérité pour la Pologne si celui-ci venait à la diriger ? « Il y aurait effectivement des coupes budgétaires : dans les subventions aux églises, dans le financement des cours de religion, et dans les salaires gonflés des entreprises publiques ». C’est là l’un des piliers de son programme : la séparation de l’Église et de l’État.
Sa stratégie est claire : après avoir cédé son siège dans sa mairie, il compte emmener son parti aux élections européennes et décrocher un siège de député européen à Strasbourg, qu’il cédera alors pour briguer un siège au parlement polonais lors des législatives de 2019. « Mon but est de devenir Premier ministre ». Pour y parvenir, Robert Biedroń ne s’interdit qu’une seule alliance : « Il n’y a pas de possibilité de coalition avec le Droit et Justice », un parti qui remet en cause les principes de la démocratie : l’État de droit, la constitution et la séparation des pouvoirs.
Un retour de Donald Tusk dans la vie politique polonaise, actuellement Président du Conseil européen, l’inquiète-t-il ? Biedroń estime que les deux ne jouent pas sur le même tableau : « Pensez-vous que Tusk veut le mariage pour tous, une véritable séparation de l’Église et de L’État ? Je me souviens de lui disant en 2011 qu’il ne s’agenouillerait pas devant les évêques pour liquider les fonds de l’Église. Ils n’ont rien fait. Les fonds de l’Église se portent très bien, il grossit, la religion dans les écoles aussi, et l’État n’est toujours pas séparé de l’Église ».
Photo : MAREK MALISZEWSKI