Rhapsodies hongroises : L’extrême droite au pouvoir, elle fait ça

Petit tour d’horizon de ce qu’a réalisé en Hongrie le national-populiste Viktor Orbán, héros des extrêmes droites du monde occidental et modèle de Marine Le Pen.

Depuis 2010 qu’il est au pouvoir, Viktor Orbán et son parti le Fidesz ont imposé une politique d’extrême droite en Hongrie, dont voici quelques-unes des réalisations (mais la liste est loin d’être exhaustive !) :

Tailladé le code du travail au profit des employeurs qui peuvent n’invoquer que de vagues raisons pour virer un employé ; escamoté le droit de grève ; affaibli le rôle des syndicats ; laissé par exemple Suzuki empêcher, illégalement, la création d’un syndicat.

Réduit à 3 mois la durée des allocations chômage ; redirigé les chômeurs vers un programme de travail obligatoire ; prôné la fin de l’Etat social au profit d’une « société du travail ».

Fait de la Hongrie un paradis fiscal où les revenus des entreprises sont les moins taxées en Europe ; imposé la plus forte TVA en Europe et un taux d’imposition unique sur le revenu.

Interdit aux pauvres le ramassage du bois mort pour se chauffer l’hiver sous peine d’amendes.

Érige une barrière frontalière entre la Hongrie et la Serbie ; aboli le droit d’asile ; maltraité les demandeurs d’asile sur son sol.

Encouragé des villageois qui s’opposaient à un séjour de vacances d’étrangers qui avaient pourtant reçu le statut de réfugiés en Hongrie.

Embrassé et véhiculé la théorie d’extrême droite du « grand remplacement ». Une déclaration de Viktor Orbán (et pas la pire !), parmi des dizaines d’autres : « Soit nous aurons un gouvernement national, et la Hongrie restera un pays hongrois et nous nous battrons pour une Europe européenne ; soit nous aurons un gouvernement internationaliste, qui sera essentiellement installé par George Soros, et alors la Hongrie deviendra un pays d’immigration ».

Imposé l’étude d’auteurs antisémites et pro-nazi de l’entre-deux guerres dans les programmes scolaires et évacué l’œuvre du Nobel de littérature Imre Kertész (entre autres réformes réactionnaires).

Imposé des cours de religion ou d’éthique dans les collèges.

Donné pour mission aux écoles maternelles de promouvoir, dès l’âge de trois ans, « la conscience nationale, les valeurs culturelles chrétiennes, l’attachement à la patrie et à la famille ».

Tué dans l’œuf toutes les tentatives de grève des enseignants, méprisés par le pouvoir.

Pris le contrôle, une à une, de toutes les universités publiques du pays, transférées à des fondations verrouillées par le pouvoir ; escamoté l’autonomie de l’Académie des sciences.

Harcelé jusqu’à bouter hors de Hongrie la prestigieuse Université d’Europe centrale ; Déroulé, au contraire, le tapis rouge à l’Université Fudan de Shanghai qui pourrait créer une antenne à Budapest.

Mis à mort le journal historique de la gauche, le Népszabadság ; Chassé des ondes FM Klubradio ; repris en main toute la presse régionale ; Bâti un empire médiatique sans équivalent ailleurs en Europe (selon RSF).

Placé un faussaire avéré de l’information à la tête des médias publics ; éjecté violemment du siège de la télévision publique des députés qui réclamaient sa neutralité ; Accordé 5 minutes chrono à la télévision publique lors de la dernière campagne électorale au candidat anti-Orbán, invité pour la première fois en 4 ans.

Affiché au JT du soir de la télé publique les visages et les noms de prétendus « agents de l’étranger » à la solde du milliardaire George Soros.

Refusé tout débat politique à ses adversaires jugés illégitimes et traités en ennemis du peuple (Orbán n’a plus débattu avec quiconque depuis 16 ans !).

Traité ses adversaires politiques en traîtres à la patrie, diffamés et ridiculisés à tour de rôle (exemple : Gábor Vona, patron du Jobbik, serait homosexuel !)

Créé une police antiterroriste aux mains de l’exécutif échappant au contrôle des juges (la justice a depuis repris des prérogatives dessus).

Surveillé illégalement des opposants et journalistes avec le logiciel Pegasus.

Recruté des espions israéliens pour extorquer des paroles compromettantes à des employés d’ONG, étalés par la suite dans les médias du régime.

Fait porter le chapeau du déclenchement de l’épidémie de Covid-19 à un groupe d’étudiants iraniens, chassés du pays (puis réinvités).

Écrit une constitution sur mesure et verrouillé le système législatif par un ensemble de lois abrogeables seulement avec les 2/3 de l’Assemblée nationale.

Écrit un roman national (1956, 1989…) qui fait de la droite conservatrice la seule représentante légitime de la nation.

Créé un institut de recherche génétique pour trancher l’origine du peuple hongrois, et « mettre fin au vieux débat sur nos origines, au moins linguistiques, entre l’hypothèse turcique et finno-ougrienne ».

Dissimulé les responsabilités hongroises dans l’exécution de la Shoah et fait ériger pour cela un horrible mémorial aux victimes de l’occupation allemande représentant la Hongrie par l’archange Gabriel.

Fait du milliardaire George Soros l’ennemi public numéro comme « Goldstein » dans le roman « 1984 » d’Orwell, suivant l’idée du spin doctor de Benyamin Netanyahou.

Cassé la gueule au clown d’un groupe de punk qui avait réussi à placer un message anti-gouvernemental à la télévision.

Dépêché des gros bras au crâne rasé pour barrer l’accès à la commission électorale à des opposants voulant déposer un projet de referendum.

Refusé de signer la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dite « convention d’Istanbul ».

Organisé des bals traditionnels de rencontres ; supprimé les frais universitaires aux couples d’étudiants procréant et même envisagé d’enlever des points de retraite aux femmes qui n’ont pas procréé.

Assimilé les homosexuels avec des pédo-criminels (« Ne touchez pas aux enfants ! ») ; adopté une loi sur le modèle russe interdisant la « promotion » de l’homosexualité auprès des enfants et organisé un référendum (invalidé faute de participation).

Banni la possibilité pour les personnes transgenres de modifier leur genre sur leurs documents d’identité, le jour même de la Journée internationale de visibilité transgenre.

Transféré les programmes d’inclusion des Roms au ministère de…l’Intérieur.

Publié des brûlots d’inspiration nazie dans le principal quotidien du pays, le Magyar Nemzet, comparant par exemple une députée de l’opposition à un cafard répandant ses bactéries pour empoisonner les âmes et détruire les valeurs nationales.

Décoré le Éric Zemmour hongrois, Zsolt Bayer, de la Grande Croix de Chevalier de l’Ordre du mérite.

Décoré un historien (Mihály Takaró) fervent admirateur du régent Miklós Horthy et des écrivains antisémites de l’entre-deux guerres ainsi qu’un poète (Kornél Döbrentei) selon qui « les lois juives ont été adoptées uniquement pour sauver les Juifs [dans les années 1930] ».

Vomi sur l’équipe de France de Football victorieuse de la Coupe du Monde 2018 contre la Croatie « blanche et chrétienne ».

Empêché l’Union européenne d’adopter une résolution appelant à la fin des hostilités entre Israël et le Hamas ; voulu décerner le prix Nobel de la paix à Trump pour sa politique pro-israélienne.

Confié à la Russie de Poutine, sans la moindre concertation, le plus gros investissement de l’histoire récente du pays : la construction de deux nouveaux réacteurs à sa centrale nucléaire.

Offert à une secte évangélique et à la communauté juive orthodoxe Loubavitch le statut d’Eglises officielles subventionnées par l’Etat.

Harcelé l’œuvre œcuménique au profit des sans-abri du pasteur Gábor Iványi, coupable de faire entendre sa voix contre la politique anti-pauvres du gouvernement.

Traqué durant des semaines les sans-abri, bannis de grandes parties de l’espace public. « Ils se cachent. Notre patience a des limites », a titré en couverture un tabloïd.

Distribué des millions d’hectares de terre arable en favorisant les fidèles du régime.

Détourné des milliards d’euros en biens publics vers des fondations ad hoc sous contrôle.

Canalisé les fonds européens pour asseoir son oligarchie ; privé de revenus fiscaux et sevré de fonds publics les municipalités qui ont voté pour l’opposition en 2019.

Fait de l’ami d’enfance d’Orban, un petit artisan-chauffagiste la seconde fortune du pays en dix ans (un record du monde selon Forbes).

Etc., etc.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).