Par Suzanne Tisserand
Fin décembre, après que le président du Parlement Lászlo Kövér ait proféré des déclarations rétrogrades sur les femmes en plein Congrès du Fidesz, le chanteur hongrois Akos a déclenché une affaire politico-économique en adoptant à sa suite des positions similaires. En effet, en réaction à une interview où celui-ci déclare que « ce n’est pas dans le rôle des femmes de gagner autant que les hommes », son sponsor Telekom a rompu son accord de partenariat avec lui, provoquant de multiples réactions d’indignation de la part du gouvernement Fidesz ainsi que des fans du chanteur.
Profitons-en de cet imbroglio qui a marqué l’actu de la fin de l’année 2015 pour mettre en lumière la place capitale du secteur des télécommunications en Hongrie, mais également le lien étroit entre les domaines politiques et économiques dans le pays.
Selon une étude de marché AWEX réalisé entre 2014 et 2015 :
« La Hongrie conserve des atouts majeurs qui rendent ce petit pays de l’Europe Centrale très attractif pour les nouveaux investisseurs étrangers. (…) Grâce á sa situation centrale en Europe, la Hongrie est considérée comme un carrefour que traversent quatre corridors transeuropéens. »
S’ajoute à cela la forte concentration en main-d’œuvre hautement qualifiée et peu chère du fait de la faiblesse de la monnaie nationale par rapport à l’euro.
De telles conditions rendent idéal le développement des télécommunications qui se placent parmi les secteurs les plus dynamiques de l’économie hongroise avec l’automobile et la pharmaceutique. En ce qui concerne sa composition, ce marché est très concentré avec trois opérateurs principaux : Magyar Telekom, joint-venture entre l’opérateur public Matáv et la société allemande Deutsche Telecom qui détient 42,85% de parts, Telenor 38,20% et Vodafone 18,95%.
Cette concentration s’explique par la permanence de politiques commerciales protectionnistes du gouvernement concernant les industries de réseaux, malgré l’alignement sur les réglementations européennes. En effet, la concurrence en matière de télécommunication est régulée par l’Autorité hongroise de la Concurrence (Gazdagsági Versenyhivatal), en respect de l’Article 26 du TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne). Cette dernière veille à la protection de l’intérêt des consommateurs et au bon fonctionnement de la liberté d’accès des marchés.
C’est ainsi que s’explique le fait que le capital de Magyar Telekom, le numéro un des opérateurs hongrois, soit détenu majoritairement par des investisseurs allemands. Malgré tout, l’État conserve un pouvoir d’influence sur les activités des opérateurs historiques, leur permettant notamment de conserver une position dominante sur le marché national.
Du côté des consommateurs, on comptait fin Janvier 2014 plus de 4 125 135 abonnés en Hongrie. Toujours d’après l’étude de marché AWEX 2014-2015 :
« l’usage le plus large d’internet concerne les services et les applications en ligne utiles, ce qui favorise le développement d’une société de l’internet. Cette tendance est reconnue par le gouvernement et encouragée grâce à des investissements et á une politique favorable, visant ainsi à augmenter la productivité et à améliorer le niveau de vie. »
Pour en revenir à « l’affaire Akos », le porte-parole du gouvernement Zoltán Kovács a fermement condamné le geste de Telekom vis-à-vis du chanteur et déclaré dans un communiqué de presse qu’il se pourrait que les ministères rompent les contrats qui les lient à la société de télécommunication. C’est plus de 103 contrats qui seraient concernés à ce jour. En outre, les fans du chanteur ont manifesté leur révolte en appelant au boycott de Telekom et en créant une page Facebook de défense de leur idole.
Néanmoins, du fait de la place de leader du groupe Magyar Telekom en Hongrie, il semble peu probable que ces mesures de rétorsion aboutissent réellement et c’est davantage le chanteur qui risque de pâtir de la perte de son sponsor, plusieurs sources avancent des sommes équivalentes à 10 millions de forints, soit plus de 32 000 euros.
Sources : Index.hu, Cairn.info