Aujourd’hui, c’est la énième édition du rassemblement de cyclistes Critical Mass à Budapest. Même si les organisateurs pensent que « le cyclisme ne dépend pas des prévisions météo », pour la plupart des participants, le beau temps reste une condition primordiale. Quoi qu’il en soit, il y aura du monde à vélo dans les rues de la capitale à partir de 16h, car bien que la mode Critical Mass s’essoufle un peu au cours des ans, l’événement semestriel reste un must pour les Budapestois.
Le parcours :
Départ à 16h de Attila út à Buda, puis Alagút (le tunnel sous la colline du château, Lánchíd (pont des chaînes), Apáczai Cs. J. utca, Irányi utca, Ferenciek tere, Erzsébet híd, Rudas fürdő, Erzsébet híd, Kossuth L. utca, Astoria, Károly körut, Erzsébet tér, Andrássy út, et enfin, Városliget Királydomb à 18h30 pour la levée de vélos collective et la photo traditionnelle.
Rencontre avec les fondateurs du Critical Mass de Budapest
Par Vincze
Jeudi 18 novembre 2010 à Budapest. J’ai rendez-vous avec Sinya et Kükü, deux des initiateurs du Critical Mass de Budapest, qui est devenu, en avril 2006, le plus grand rassemblement de vélos de l’histoire avec 80 000 participants, d’après la légende. La rencontre se fait dans la cuisine de leur boutique Hajtas Pajtas (livraison en vélo, atelier vélo, etc.) où ils me préparent des pâtes au pesto.
Au début des années 2000, ils étaient une bande de potes, tous cyclistes, certains livreurs à vélo, à organiser régulièrement des festivals autour du vélo. Puis en septembre 2004, à l’occasion de la journée sans bagnole, ils décident d’organiser, ce qui se fait de plus en plus dans les grandes villes occidentales, un « Critical Mass ». Autorisation des autorités obtenue, rendez-vous est donné à Városliget. Alors qu’ils pensent se retrouver avec quelques dizaines de potes, ils sont terrifiés en arrivant sur le lieu du rendez-vous : ce ne sont pas quelques dizaines, mais plusieurs centaines de cyclistes qui ont répondu à leur appel ! (1500, selon les estimations de l’époque). La communication à travers les réseaux sociaux de Budapest, le bouche à oreille, les stickers collés dans tous les kocsma et kért de la ville a plus que fonctionné. C’est le début d’une longue aventure pour l’équipe du Critical Mass.
Une seule stratégie : « toujours plus de vélos ! »
Dès ses débuts, Critical Mass Budapest s’est déclaré ni de gauche ni de droite, indépendant de tout mouvement politique, association, groupe, ou entreprise. Ils sont un collectif de potes qui a un seul message politique à passer : « toujours plus de vélos ! » C’est la stratégie de la « masse critique ». Organisés autour d’un noyau dur d’une dizaine de personnes, ils ont décidé d’être le plus informel possible : pas d’association déposée, pas de compte en banque, tout est fait entre potes, à la confiance, dans la convivialité, tout en restant méfiant vis-à-vis des nombreuses sollicitations : parrainage, sponsoring, récupération politique et même proposition d’achat !
A titre individuel, ils sont en revanche tous membres de la « Magyar Kerékpárosklub » (l’association des cyclistes hongrois), qui est en première ligne pour négocier avec les politiques afin d’améliorer la vie des cyclistes, pas toujours facile, en Hongrie. De même, la Magyar Kerékpárosklub s’appuie pour convaincre les politiques sur la pression que représente la masse critique de cyclistes qui se retrouvent deux fois par an à Budapest !
Tout est autofinancé par la vente de t-shirts : ils en ont vendu des centaines en 2010, ce qui leur permet de communiquer avec des stickers (des milliers, on peut en voir dans tout Budapest et sur tous les vélos) et des posters (1500 pour le dernier Critical Mass).
Pour chaque Critical Mass, ils travaillent avec environ 300 bénévoles qui assurent la sécurité des participants et aussi font en sorte que les règles soient respectées. Dès le début, le choix a été fait d’obtenir les autorisations et de respecter les accords passés, tout comme le code de la route. Avec plusieurs dizaines de milliers de vélos dans les rues, pas besoin de désobéissance civile ni de provocation pour se faire entendre ! De plus, il semblerait que la police a des consignes pour bien vérifier que tout est en règle avec les vélos lors des rassemblements : ainsi le 22 septembre dernier, pour un Critical Mass de soirée sur le Nagy Körút, on pouvait observer des policiers à chaque carrefour vérifiant que tout est bien en règle sur chaque vélo : lumières, freins… il y a même eu des contraventions pour absence de catadioptres de roues, obligatoires en Hongrie.
Critical Mass Budapest 19.04.09 from viktor kadar on Vimeo.
« La masse critique est là ! »
Sinya raconte : « L’année dernière, en avril, on a fait exprès d’annoncer moins de vélos, par provocation. Le but ce n’est pas de faire du chiffre, à plusieurs dizaines de milliers de vélos dans la rue, on se moque de savoir si c’est 40 ou 50 000. La masse critique est là ! Le record du monde en avril 2006 ? Pour compter, c’est l’artisanat le plus total, on est au milieu et on s’appelle : « – Kükü, combien de vélos ? – Je ne sais pas trop, allez, 20 000 de mon côté, et toi ? – Moi aussi… ça fait 80 000 en tout ! » C’est comme ça que l’on a atteint ce record mais il devait y en avoir moins, mais c’est un secret – 🙂 »
« Nous sommes fiers et heureux… mais pauvres ! »
Sinya : « En 2004, alors que l’on souhaitait avoir l’autorisation de la ville de Budapest pour organiser le premier Critical Mass, Gabor Demszki [ancien maire de Budapest, ndlr] a déclaré : Budapest ne sera jamais Amsterdam parce qu’il n’y a pas assez de vélo. C’est pourquoi on célèbrera la journée sans voiture le week-end afin de ne pas bloquer les automobilistes. » Deux ans plus tard, on voyait le même Demszki débarquer au Critical Mass ! Ca nous a fait beaucoup rire… Il nous a même remis le Budapest Award ! ».
Kükü : « Outre toutes les propositions stupides que l’on reçoit régulièrement (sponsoring, publicité, etc.), on a eu une proposition d’achat pour 80.000.000 HUF (environ 300 000 euros !). On a bien sûr refusé l’offre en faisant une belle réponse provocatrice : Critical Mass est intouchable… la vie n’est pas dans l’argent… Aujourd’hui, nous sommes fiers et heureux mais pauvres ! »
Plus d’infos : Site officiel
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