Rastislav Káčer, un chef de la diplomatie slovaque si peu…diplomate

Le ministre slovaque des Affaires étrangères, Rastislav Káčer, n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de s’en prendre à Viktor Orbán et aux soutiens de Vladimir Poutine.

La population slovaque est très divisée en ce qui concerne le soutien à l’Ukraine et un puissant mouvement pro-Kremlin s’y est développé, sous l’impulsion notamment de l’ancien premier ministre Robert Fico. Mais le gouvernement slovaque intérimaire, lui, est fermement aligné sur les positions de l’OTAN et de l’Union européenne. Et son ministre des Affaires étrangères, Rastislav Káčer, ne se prive pas de tancer le dirigeant hongrois traité de « collaborateur de Poutine », de « collaborateur des Carpates de l’agression russe » et allant même jusqu’à lui lancer indirectement un « va-te-faire-foutre ».

Rastislav Káčer a écrit cette semaine sur sa page Facebook : « Je n’ai qu’un message pour les collaborateurs de Poutine, en particulier ceux du bassin des Carpates et de Felvidék [le terme irrédentiste hongrois pour désigner la Slovaquie – Ndlr.], pour tous ceux qui veulent la paix au prix de la destruction de l’Ukraine : allez-vous faire foutre ! ». M. Káčer a orthographié cette insulte en cyrillique, en référence à la réponse des gardes-frontières ukrainiens stationnés sur l’île aux serpents lorsque des soldats russes leur ordonnaient de se rendre : « Иди нахуй! »

Dans son message, M. Káčer souligne que l’UE est unie pour aider l’Ukraine, à l’exception de la Hongrie et que la posture de Viktor Orbán selon laquelle « ce n’est pas notre guerre » est moralement inacceptable. « D’après Orbán, nous devrions laisser les Russes exterminer les Ukrainiens le plus tôt possible, afin qu’au moins ils ne souffrent pas », écrit-il. « Comme c’est répugnant, comme c’est pitoyable et comme c’est antichrétien », juge-t-il.

En réponse, le président de la commission parlementaire des affaires étrangères en Hongrie, Zsolt Németh, a conseillé au ministre slovaque de consulter un psychiatre.

Ancien ambassadeur à Budapest

Rastislav Kácer est un diplomate chevronné qui a occupé des postes-clés pour l’ancrage transatlantique de la Slovaquie : il a été secrétaire d’Etat en charge au des négociation puis de l’adhésion de la Slovaquie à l’OTAN (en 2004), président de la Commission atlantique slovaque et ambassadeur de Slovaquie aux États-Unis.

Ce n’est pas la première fois que le ministre slovaque des Affaires étrangères critique ainsi la Hongrie. Au début du mois de février, il avait déclaré que si Poutine avait réussi son invasion de l’Ukraine, la Hongrie aurait déjà formulé des revendications territoriales contre la Slovaquie.

Cette accusation fait écho à celles portées par le secrétaire du Conseil de la sécurité nationale et de la défense en Ukraine, Oleksiy Danilov, au mois de mai 2022, lorsqu’il avait accusé la Hongrie de lorgner sur ses anciens territoires de Transcarpatie. Autre illustration du rejet qu’inspire le dirigeant magyar dans la région, le maire de Dnipro s’était violemment emporté contre lui au mois de janvier.

Rastislav Kácer connait bien Viktor Orbán et son régime, pour avoir été ambassadeur de Slovaquie en Hongrie de 2013 à 2018. Il avait quitté ses fonctions à Budapest avec fracas. Dans une interview avec le journal Napi.hu, il avait critiqué le gouvernement d’Orbán avec une virulence peu coutumière de la part d’un diplomate, surtout d’un pays supposé allié et membre du Groupe de Visegrád. Viktor Orbán est « un homme tout sauf ordinaire, qui a des allures de révolutionnaire, une vision du futur et se prend pour un prophète et un porteur de lumière », dénonçait-il. Déjà à l’époque, il estimait que la relation Budapest-Moscou posait un problème de sécurité pour l’Union européenne.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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