Que faisaient trois mystérieux plongeurs espagnols près d’infrastructures critiques polonaises ?

Après le sauvetage de trois plongeurs en pleine nuit dans la mer Baltique le week-end dernier, des doutes ont été soulevés quant à leurs véritables intentions. Selon les dernières informations relayées par le journal Rzeczpospolita, l’affaire impliquerait « des criminels très dangereux ».

Dans la nuit du 14 au 15 janvier, les conditions météorologiques étaient difficiles : une mer agitée et des vents atteignant 7 à 8 Beaufort (50 à 74 km/h). Peu avant deux heures du matin, les services de recherche et de sauvetage polonais ont été informés du naufrage d’un navire dans la baie de Gdańsk dans le nord de la Pologne. Une heure plus tard, les sauveteurs localisaient un petit bateau écarlate à 5 kilomètres à peine du port de Górki Zachodnie. 

Les trois hommes à bord se sont présentés comme des plongeurs espagnols à la recherche d’ambre, une résine fossile précieuse dont les plus grands gisements connus sont enfouis dans la mer Baltique. Plongeant dans cette zone depuis au moins six heures, ils ne possédaient ni d’autorisation de plongée, ni de permis pour conduire le navire qui, lui-même, n’était pas enregistré.

Selon les médias locaux, le bateau n’était pas équipé du matériel de sécurité de base (feux de navigation, équipement de communication ou matériel de sauvetage). Pourtant les plongeurs étaient munis d’un matériel de plongée coûteux. Ce dernier n’ayant cependant pas été d’une grande aide dans la tâche qu’ils déclaraient, puisqu’aucune trace d’ambre n’a été décelée à bord. 

Espagnols mystérieux aux numéros de téléphone inactifs

Les questions pleuvent depuis que les médias ont révélé l’affaire compte tenu de l’identité mystérieuse des plongeurs et de leurs explications douteuses justifiant leur sortie nocturne en mer.

Cezary Przepiórka, le second du capitaine du port de Gdańsk, a révélé que le rapport policier comprenait deux éléments intrigants : des numéros de téléphones inactifs et le contrôle des pièces d’identité d’un seul des trois plongeurs.

Pour les commentateurs et les experts en sécurité, il est difficile de comprendre pourquoi la présence des trois Espagnols à bord du bateau non immatriculé n’a pas éveillé les soupçons de la police qui les a relâchés. La situation paressait d’autant plus inquiétante que les plongeurs avaient été secourus non loin de l’installation Naftoport qui reçoit des cargaisons de pétrole. Ils craignaient une nouvelle action de sabotage à l’exemple des explosions du gazoduc NordStream fin septembre en mer Baltique.

Le Premier ministre rassure : « nous avons renforcé la protection »

Des voix inquiètes sont parvenues aux oreilles des décideurs politiques. Interrogé sur cette affaire, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a déclaré qu’il « s’agissait peut-être de personnes très dangereuses ». La sécurité a été renforcée autour des infrastructures stratégiques du pays, comme le terminal GNL de Świnoujście ou le gazoduc Baltic Pipe, reliant le réseau de transport de gaz norvégien à la Pologne. « Il est évidant qu’en temps de guerre en Ukraine, le risque de sabotage de la part de la Russie a considérablement augmenté ». Un rapport a été commandé sur cette affaire.

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Opération de renseignement internationale

« Les activités des ressortissants espagnols secourus en mer Baltique ne menaçaient pas la sécurité de la République de Pologne et n’entrainaient pas de risque pour les infrastructures critiques », rassurait le porte-parole du coordinateur des services spéciaux polonais, Stanisław Żaryn. D’après lui, les renseignements étaient parfaitement au courant des événements de cette nuit-là. Dans la soirée du jeudi, le chef du gouvernement a annoncé qu’on lui avait livré le rapport sur l’affaire, ses propos tenaient à écarter les soupçons autour de trois ressortissants étrangers : « Ce que je peux me permettre de dire, c’est que cet incident impliquant des plongeurs espagnols n’a aucun lien avec une tentative d’attaque sur les infrastructures critiques ».

Mais les informations laconiques émanant du gouvernement n’ont pas réussi à freiner la vague de spéculations. Deux hypothèses principales ont été avancées par les médias : celle de contrebandiers ou d’une mission de services secrets étrangers. 

Le quotidien Rzeczpospolita a révélé de nouvelles informations vendredi 20 janvier. Selon ses sources, les plongeurs espagnols agiraient pour le compte d’une importante structure criminelle que les services de différents pays surveillent de près. Wirtualna Polska ajoute que les trois hommes pourraient être liés à un groupe international de contrebande. Les moindres mouvements de ces hommes étaient sous observation, ce qui expliquerait le comportement étonnant des fonctionnaires polonais, restés silencieux pendant plusieurs jours. 

 

Aleksandra Wlodarczyk

Diplômée en Philologie Romane à l'Université Adam Mickiewicz de Poznań, Aleksandra Wlodarczyk est traductrice indépendante et journaliste en formation, passée par Gazeta Wyborcza, Global Voices Online ou encore Radio Campus Paris.

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