Quatre ans après l’assassinat de Ján Kuciak : « J’avais tort. La responsabilité de Fico est en fait bien plus grande »

Quatre ans après le meurtre du journaliste Ján Kuciak, et de sa compagne, l’ancien premier ministre Robert Fico redouble de virulence contre les journalistes slovaques qu’il tient pour responsables de sa chute. Le rédacteur-en-chef du journal indépendant Denník N lui répond.

Par Matúš Kostolný. Publié le 21 février 2022 dans Denník N.

Matúš Kostolný, rédacteur en chef de Denník N, dans les bureaux de la rédaction à Bratislava. Photo : Corentin Léotard

Ces quatre dernières années, il s’est avéré que le règne du SMER avait été encore pire que ce que nous imaginions.

Il y a quatre ans, le lendemain même de l’annonce des assassinats de Ján Kuciak et Martina Kušnírová, Robert Fico a invité les rédacteurs en chef au bureau du gouvernement. À cette époque, j’ai vu un Premier ministre qui perdait le contrôle et devait partir.

Aujourd’hui, Robert Fico a encore une fois l’audace de s’en prendre aux journalistes et ose même expliquer quelles leçons tirer des meurtres de Ján Kuciak et Martina Kušnírová.

« Que l’anniversaire du meurtre d’un journaliste et de sa petite amie soit un souvenir de l’abus total du journalisme pour combattre l’opposition actuelle, un souvenir du déshonneur total du travail journalistique et la preuve que les journalistes et les propriétaires de médias sont responsables de l’état dans lequel se trouve la Slovaquie en 2022. Et vous, messieurs les journalistes, vous pouvez crier autant que vous voulez, votre bruit ne couvrira jamais la vérité de qui vous êtes et qui vous servez », a déclaré M. Fico.

Consulter ici les 25 articles que contient notre dossier spécial Ján Kuciak, le journaliste qui a fait avancer la Slovaquie

Robert Fico a dû quitter son poste de premier ministre parce qu’un système de corruption endémique s’est développé sous son règne et que son clan contrôlait l’État. Ils avaient acheté des officiers de police, des procureurs et des juges. Ils n’avaient plus de limites. Déjà à l’époque, Fico s’en était pris aux journalistes et faisait d’eux les ennemis de son royaume. Il en a découlé le meurtre de Ján Kuciak et Martina Kušnírová.

Aujourd’hui, nous avons des milliers d’éléments de preuve, de documents, d’enregistrements et de messages de téléphones portables.

Quatre ans plus tard, tout s’est avéré encore pire que ce que nous imaginions. Ce qui compte, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus seulement les journalistes qui écrivent à ce sujet. Aujourd’hui, nous avons des milliers d’éléments de preuve, de documents, d’enregistrements et de messages de téléphones portables. La police les a vus, vérifiés, et le ministère public les a trouvés suffisamment solides pour les présenter devant les tribunaux. Et les premiers tribunaux ont déjà statué que sous le gouvernement de Robert Fico, son clan a abusé du pouvoir.

Le bruit, c’est donc Fico qui le fait, pas les journalistes. Nous écrivons comme c’était et comme on le voit dans les dossiers. Il est à espérer que la vérité qui a émergé sera également vue par les tribunaux et le public.

Il y a quatre ans, j’étais assis en face de Robert Fico, qui essayait de convaincre les journalistes qu’il n’avait rien à voir avec le meurtre et qu’il se préoccupait de l’enquête. Mais au bout d’un moment il a explosé de colère lorsque je lui ai dit qu’il en était politiquement responsable car il avait créé une atmosphère où les journalistes étaient pris pour cible.

Aujourd’hui, il n’a d’autre choix que de s’en prendre à nouveau aux journalistes, car quatre ans plus tard, il s’avère que j’avais tort. Sa responsabilité est en fait bien plus grande.

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