Les députés tchèques ont décidé mercredi d’accéder à la demande de la justice de lever l’immunité parlementaire d’Andrej Babiš, meneur du mouvement ANO (Action des citoyens mécontents).
La police tchèque pourra désormais traduire Andrej Babiš en justice. La Chambre des députés a autorisé hier la levée de son immunité parlementaire après un débat animé de plus de huit heures. Le président du parti ANO, accusé avec son bras droit Jaroslav Faltýnek de détournement de fonds européens dans le cadre de « l’affaire du Nid de cigogne », récuse pourtant les accusations et crie à la manipulation politique dans un contexte de campagne électorale. Déchu de son poste de ministre des finances en mai dernier par le premier ministre social-démocrate Bohuslav Sobotka, Andrej Babiš affrontera son ancien partenaire de coalition lors des élections législatives d’octobre prochain.
Ayant construit le parti ANO sur la dénonciation de la corruption, l’affaire tombe mal pour Babiš, qui a lui-même appelé hier les députés à le livrer à la justice, afin que « la vérité sorte ». Après de nombreuses tergiversations, son groupe parlementaire n’a finalement pas voulu prendre part au scrutin dans la soirée. Les députés ANO ont néanmoins profité du débat parlementaire pour porter leurs coups contre la majorité. La députée Jana Lorencová a notamment sous-entendu que « l’élimination de Babiš » était principalement motivée par le « risque qu’il faisait planer » sur les pratiques de corruption dans l’hémicycle.
En se posant en victime, Andrej Babiš réussit depuis de longs mois à se maintenir en tête des intentions de vote pour le scrutin d’octobre prochain. Selon les médias qu’il détient, et qui relaient abondamment sa rhétorique, son passage au gouvernement comme ministre des finances (2014-2017) aurait trop ébranlé le système politique au pouvoir. La personnalité clivante de Babiš pourrait néanmoins se retourner contre lui, dans la mesure où elle pourrait l’empêcher de constituer une coalition avec d’autres partis. Les sociaux-démocrates semblent quant à eux décidés à présenter le milliardaire en paria de la vie publique. Hier, le ministre social-démocrate des affaires étrangères, Lubomír Zaorálek, a martelé devant les députés que Babiš représentait une « immense honte » pour le pays, ajoutant qu' »à l’étranger, personne ne dialoguerait avec un tel premier ministre. »
Retour sur l’affaire du « nid de cigogne »
Le 10 août dernier, la justice tchèque a accusé formellement de fraude Andrej Babiš et son bras droit, en politique comme en affaires, Jaroslav Faltýnek. L’affaire date de la fin des années 2000 et tourne autour de la ferme Čapí Hnízdo (« Le nid de cigogne »). Babiš l’aurait transféré de son conglomérat Agrofert à ses enfants et à sa compagne afin d’en faire une petite et moyenne entreprise éligible aux fonds européens. Après avoir reçu 50 millions de couronnes tchèques de subventions (près de 2 millions d’euros) entre 2008 et 2010, la ferme a été de nouveau transférée au sein du conglomérat. Une enquête est menée parallèlement par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) de l’Union européenne.