Vu de Pologne, « la Hongrie restera le bastion de la droite en Europe »

Que dit-on en Pologne de la reconduction de Viktor Orbán à la tête de la Hongrie ? Gazeta Wyborcza, Dziennik, Rzeczpospolita et les autres médias polonais ont abondamment couvert les élections en Hongrie et commenté leur verdict. Petit passage en revue de la presse polonaise.

« Orbán a gagné car la Hongrie a manqué de remèdes contre le populisme de droite« , analyse la Gazeta Wyborcza. Pour le grand journal quotidien de centre-gauche, « la troisième victoire d’Orbán est une mauvaise nouvelle pour ceux qui s’attendaient à un dégel dans une Europe coulant dans les eaux du nationalisme« . Il donne à la victoire du Fidesz une dimension européenne, estimant qu’elle est un signal positif pour les nationalistes de tout poil : « Il est significatif que Marine Le Pen, patronne du Front national et Geert Wilders, chef du Parti pour la liberté aux Pays-Bas, se sont empressés de féliciter Orbán. Pour eux, sa victoire montre que le populisme de droite dont ils se servent eux-mêmes se porte bien en Europe« .

Selon Dziennik, un quotidien d’information générale, « c’est la majorité constitutionnelle des deux-tiers qui intéressait Viktor Orbán. C’est l’idée fixe de sa sa vision politique qu’il sera désormais capable de mettre en œuvre sans problème« . Le journal estime que le Fidesz a réussi à récupérer une partie de l’électorat de Jobbik et souligne la forte participation de 69%. « Une fois de plus Orbán a parfaitement bien senti l’ambiance régnant en Hongrie et montré ses dons de politicien. On peut le critiquer sur le plan de décisions politiques, mais il faut reconnaître qu’il est maître en marketing politique« . Dziennik n’entrevoit pas de changements significatifs en matière de politique étrangère. « En ce qui concerne les relations avec l’Union européenne on peut s’attendre à ce que le courant actuel continue. […] Ce jeudi, la commission LIBE du Parlement européen publiera un rapport sur l’état de droit en Hongrie, qui donnera le ton à ces relations« .

Dziennik pose la question du lendemain et entrevoit lui aussi l’adoption du « paquet Stop Soros » qui vise à frapper les ONG qui soutiennent les migrants et réfugiés. Tout comme la Gazeta Wyborcza pour qui « la victoire du Fidesz à l’issue d’une campagne basée sur des semi-vérités et des mensonges est une mauvaise nouvelle pour la société civique hongroise« . Le pouvoir ayant d’ores et déjà annoncé de nouvelles restrictions contre les ONG, « le gouvernement continuera certainement à acculer ce qu’il reste des médias indépendants et à verrouiller un système dans lequel la démocratie s’appuie sur le pouvoir d’un seul parti« .

« Une fois de plus Orbán a parfaitement bien senti l’ambiance régnant en Hongrie et montré ses dons de politicien ».

L’un des principaux quotidiens du pays, le journal de droite libérale Rzeczpospolita, voit dans la victoire du Fidesz le résultat de sa posture anti-immigration : « Le parti et le Premier ministre Orbán ont tout misé sur une carte en essayant de prouver qu’ils luttent contre la menace mortelle en la personne du milliardaire George Soros, dont le but serait de faire venir en Hongrie – et généralement en Europe – des millions d’immigrés d’Afrique« .

Le journal souligne les résultats mitigés de l’économie hongroise au regard de ses voisins centre-européens : « L’année dernière, la Hongrie a enregistré une croissance de 4%. Comparé aux voisins d’Europe centrale, ce résultat n’est pas sensationnel. Fidesz a reconnu que cela pourrait être un sujet dangereux car l’opposition a commencé à se demander pourquoi un demi-million de Hongrois (5% de la population) avaient émigré ces dernières années à l’étranger à la recherche d’un emploi. Il s’est agi des jeunes dont beaucoup sont des électeurs de Jobbik, le deuxième parti le plus populaire du pays après le Fidesz« .

Rzeczpospolita rappelle souligne aussi que Viktor Orbán a passé sa dernière journée de campagne, vendredi, aux côtés des dirigeants polonais, le premier ministre Mateusz Morawiecki et le chef du Droit et Justice Jarosław Kaczyński. Ils ont inauguré ensemble un mémorial aux victimes de la catastrophe de Smolensk. L’occasion pour le candidat Orbán d’envoyer un ultime message : l’objectif commun des Polonais et des Hongrois est de défendre leur patrie « dans la forme que nous voulons : chrétienne et avec des valeurs nationales« .

Polityka, un hebdomadaire opposé au PiS, estime que « après les élections de dimanche, la Hongrie restera le bastion de la droite en Europe« , tout en prévenant que « le Fidesz de Viktor Orbán a déjà vécu ses meilleures années« . Pour l’hebdomadaire, la clé de la vie politique hongroise qui s’annonce réside dans l’attitude des partis d’opposition vis-à-vis du Jobbik. Rappelant l’histoire très controversée de ce parti extrémiste, il estime que leur recentrage opéré ces dernières années « leur a permis d’éviter de se faire écraser par Fidesz qui s’est approprié leur propre rhétorique » et voit dans le Jobbik est « le concurrent principal du Fidesz« 

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