Pour les vacances d’été, plutôt que la Croatie, pourquoi ne pas « aller goûter à la beauté des paysages tchèques », comme y invite le président ? Coronavirus oblige, les Tchèques sont incités à ne pas jouer à saute-frontière cet été et l’industrie touristique compte sur eux et leurs couronnes pour compenser la désertion des riches étrangers.
« Aller goûter à la beauté des paysages tchèques pendant les vacances ». Voilà la recommandation du président Miloš Zeman, à la mi-avril aux auditeurs de la radio Frekvence 1. La Tchéquie a été l’un des premiers pays d’Europe à annoncer la fermeture de ses frontières à la mi-mars, y compris pour ses propres citoyens « coincés » au pays. Une fermeture qui pourrait durer deux ans, avait alors affirmé le 22 mars sur la télé publique l’expert en épidémiologie et chef d’alors du Conseil de crise, Roman Prymula, provoquant un tollé. Il ne faudra pas attendre deux ans. Avec le ralentissement de l’épidémie au mois d’avril, le gouvernement a anticipé la détente du confinement et levé plusieurs interdits le 24 avril, dont celui de quitter le pays, ouvrant la possibilité de vacances à l’étranger.
Mais tout en rouvrant les frontières, le gouvernement déconseille aux citoyens de voyager, les prévenant que plusieurs pays voisins ne les laisseraient pas entrer, ou bien qu’ils devraient par la suite présenter des tests négatifs ou se soumettre à une quarantaine de deux semaines au retour. Ainsi, pour aller en Autriche ou en Allemagne, un citoyen tchèque devrait d’abord se prémunir d’un test négatif daté de moins de quatre jours, puis en présenter un autre au retour, lui aussi de moins de quatre jours, au risque de se faire imposer une quarantaine de deux semaines. Et côté polonais comme côté slovaque, les frontières sont encore entièrement fermées aux étrangers non-résidents.
L’Association des agences de voyage tchèque a invité le gouvernement a négocié des accords bilatéraux avec certains pays, suggérant la création des « corridors routiers et aériens » avec des pays comme la Croatie ou la Bulgarie.
Le retour du Bloc de l’est ?
L’industrie du voyage, elle, s’impatiente. Ainsi, à la mi-avril, l’Association des agences de voyage tchèque a invité le gouvernement a négocié des accords bilatéraux avec certains pays, suggérant la création des « corridors routiers et aériens » avec des pays comme la Croatie ou la Bulgarie, des destinations estivales prisées des Tchèques. Le premier ministre croate Andrej Plenković a sauté sur l’occasion et annoncé sur Twitter s’être entendu avec son homologue tchèque pour que leurs ministres du Tourisme respectifs s’entendent sur « un modèle acceptable d’accueil des touristes tchèques pour cette saison estivale ». Côté croate, on espère de tout cœur qu’au moins une partie des 700 à 800 mille touristes tchèques habitués des côtes de l’Adriatique répondront présent pour alimenter une industrie touristique qui représente entre un cinquième et un quart de son économie.
Mais du côté des autorités tchèques, on se montre un peu plus réticent. Le ministre des Affaires étrangères, Tomáš Petříček (social-démocrate, ČSSD) disait dans une entrevue publiée lundi dans les Hospodářsék noviny disait que « personne ne veut mettre en danger les résultats que nous avons obtenus dans la résolution de la crise du coronavirus ». Si le ministre mentionne la possibilité d’une détente plus rapide des mesures pour le trafic transfrontalier avec l’Autriche et la Slovaquie, il précise cependant que « la recommandation de ne pas voyager à l’étranger reste valable malgré l’assouplissement des mesures. Seulement dans des cas urgents, » conclut-il. C’est près de 5 milliards d’euros qui sont dépensés par les touristes étrangers chaque année en Tchéquie et, même si les touristes des pays voisins pourront éventuellement venir, les riches touristes américains, chinois et russes ne seront sans doute pas au rendez-vous cette année.
« Il faut que nos citoyens dépensent surtout leur argent ici pour aider à faire repartir les magasins, les restaurants et les entrepreneurs ».
L’industrie joue la carte locale
L’enjeu n’est bien sûr pas que sanitaire, mais aussi économique : il faut sauver l’industrie du tourisme locale. En effet, pour cette industrie qui représente 3 % du PIB et emploie quelque 250 000 personnes, la pandémie aurait déjà mené à une chute du chiffre d’affaires annuel de 45 %. En plus de la capitale, d’autres villes sont fortement impactées, à commencer par les villes thermales de Mariánské Lázně et Karlovy Vary, ou bien Český Krumlov. C’est près de 5 milliards d’euros qui sont dépensés par les touristes étrangers chaque année en Tchéquie et, même si les touristes des pays voisins pourront éventuellement venir, les riches touristes américains, chinois et russes ne seront sans doute pas au rendez-vous cette année.
Le gouvernement se montre réticent à laisser ses citoyens aller dépenser leur argent en Croatie ou ailleurs et mise plutôt sur une saison touristique tchéco-tchèque. Le premier ministre tchèque Andrej Babiš s’est agacé de cette situation, lors d’une entrevue avec la radio publique après l’annonce de la réouverture des frontières, le 24 avril : « il faut que nous restions prudents et que nos citoyens dépensent surtout leur argent ici pour aider à faire repartir les magasins, les restaurants et les entrepreneurs ». Selon lui, « en ce moment, un quelconque tourisme de masse est absurde, ça ne marche pas et ça n’est même pas à l’ordre du jour. » Le gouvernement se prépare d’ailleurs à soutenir le tourisme local en encourageant les entreprises à offrir à leurs employés des bons de quelque 400 euros déductibles d’impôts à dépenser dans les établissements du pays.
La réouverture des hôtels et autres formes d’hébergement est prévue comme dernière étape du déconfinement, à partir du 25 mai, et il faudra alors voir si le tourisme domestique reprendra, en attendant d’avoir une évaluation de la situation internationale. Pendant ce temps, les rues désertées du centre de Prague reprennent vie peu à peu et les hôtels tentent de se réorienter vers une clientèle locale, parfois en baissant les prix de plus de 400 %. La mairie pragoise à quant à elle lancé une campagne de promotion pour attirer les habitants du pays à venir profiter de ses attractions. Une belle occasion de découvrir leur capitale sans les hordes de touristes !
Tak už i na Václaváku letí ceny dolu.
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