Après des mois d’ambiguïté et d’atermoiements, le grand parti de droite libérale, la Plateforme civique (PO), s’est positionné en faveur de la libéralisation du droit à l’avortement en Pologne.
La Plateforme civique est enfin sortie du bois. Le parti d’opposition qui compte le plus grand nombre de députés au Sejm (la Diète), s’est positionné, jeudi, en faveur de la légalisation de l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse « en cas de situation difficile et après la consultation avec un médecin et un psychologue ».
Le grand parti de centre-droit, qui a cédé le pas aux ultraconservateurs du PiS à partir de 2015, prend ainsi le contrepied du Tribunal constitutionnel qui a jugé, dans un arrêt entré en vigueur le 27 janvier, que l’avortement en cas de malformation grave du fœtus est contraire à la constitution. Ce jugement rompait définitivement avec le « compromis » 1993, déjà très restrictif puisqu’il n’autorisait l’avortement qu’en cas de viol, d’inceste, de danger pour la mère ou de malformation grave du fœtus.
Cela faisait plusieurs semaines que la question tiraillait la PO, partagée entre les tenants d’une libéralisation et ceux en, faveur d’un retour au « compromis ». Certains de ses membres influents, tels que l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk et le maire de Varsovie Rafał Trzaskowski, avaient pris position en faveur de la première, contre l’avis de l’aile plus du parti.
« Nous pensons que les femmes doivent se sentir en sécurité et que l’État devrait leur garantir des soins complexes, pour qu’elles puissent prendre une décision en toute conscience quant à leur avenir, et notamment en ce qui concerne la maternité », a ainsi le chef du parti, Borys Budka, lors d’une conférence de presse jeudi.
« Le PiS, en ayant recours au Tribunal constitutionnel, a défait le compromis qui a existé pendant des années sur la question de l’avortement. Ce compromis n’était pas idéal, mais il donnait un certain sentiment de sécurité. Et de ce fait, le PiS a imposé aux Polonaises l’héroïsme. Ces cinq dernières années, petit à petit, le PiS leur a pris leur dignité et leur sentiment de sécurité » a déclaré Agnieszka Pomaska, députée de PO dans la circonscription de Gdańsk.
Małgorzata Kidawa-Błońska, vice-maréchal à la Diète, en charge d’uniformiser la position de PO sur la question, a quant à elle avancé l’argument de la natalité : « nous voulons tous que plus d’enfants puissent naître en Pologne. Et cela ne sera possible que lorsque les femmes pourront se sentir en sécurité ». La députée a également promis que, lors de son hypothétique retour au pouvoir, la Plateforme civique ferait voter un ensemble de lois en faveur des femmes, prévoyant l’accès gratuit à la contraception, la pilule du lendemain sans ordonnance et une éducation sexuelle de qualité dans les écoles.
Dans un entretien accordé le jour même à OKO.press, Małgorzata Kidawa-Błońska ne cachait pas sa propre opinion, contre le droit à l’avortement, mais précisait qu’elle « ne s’imaginait pas imposer son point de vue à d’autres femmes ».
Une initiative citoyenne pro-IVG
Même fort de ce soutien de la Plateforme civique, le projet de loi citoyen visant à légaliser l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse, soutenu par le parti de gauche Lewica, a bien peu de chances d’aboutir. Il faudrait pour ce faire que plusieurs dizaines de députés du PiS ou des autres partis d’opposition tels que le Parti paysan PSL ou l’extrême-droite Konfederacja votent en sa faveur…
Dans un nouveau sondage de Kantar pour « Polityka », seules 2 % des femmes interrogées, âgées entre 18 et 40 ans, disaient soutenir l’arrêt du Tribunal constitutionnel.