Pologne : des centaines de néo-fascistes paradent à Gdańsk

Quelques centaines de membres du Camp Nationaliste Radical ont défilé samedi 14 avril dans les rues de Gdańsk, dans le nord de la Pologne sur la côte Baltique. Le maire de la ville a dénoncé l’inaction du gouvernement PiS vis-à-vis de cette très ancienne organisation d’inspiration fasciste.

C’est dans les très symboliques Chantiers navals de Gdańsk qui ont vu naître le syndicat Solidarność qu’ont choisi de se rassembler, samedi, quelques quatre cents néo-fascistes. Pour une « Pologne grande et catholique », « la Pologne aux Polonais », « Marcher pour ne jamais mourir », « Mort aux ennemis de la patrie » …, tels sont les messages qui ont été scandés par membres d’Obóz Narodowo-Radykalny (le Camp Nationaliste Radical, ONR), qui célébraient par cette parade le 84e anniversaire de sa création. « La Pologne doit rester culturellement uniforme et ethniquement homogène. Nous allons défendre nos frontières contre les immigrés », a déclaré l’ex-chef du groupe Artur Zienkiewicz.

Outre leurs mots d’ordre habituels, les manifestants s’en sont pris tant à l’opposition qu’au parti au pouvoir. Selon eux, la droite polonaise « est étrangère à la tradition nationale polonaise […] Ce n’est pas notre voie ». Et pourtant, l’ONR n’a pas à se plaindre du Droit et Justice qui n’a encore procédé à aucune démarche à leur encontre. En effet, contrairement à ce qui s’était passé en 1934, lorsque quelques mois après sa création, il avait été dissolu par le pouvoir, aucun gouvernement de la IIIe République n’a su mettre ce mouvement hors-la-loi.

« Gdańsk et ses habitants ont été offensés »

Le porte-parole de la police de Gdańsk a fait savoir que la manifestation était légale. Le maire de la ville, Paweł Adamowicz, a toutefois indiqué de son côté que son administration ne s’était pas rendu compte que la marche se ferait sous les drapeaux de l’ONR et qu’elle « n’était pas courant de la nature de la manifestation, qui avait été enregistrée par une personne physique ». Il est vrai que dans la justification de l’événement on peut lire que la marche concernera « l’essence des comportements nationaux et indépendantistes, ainsi que l’espace public en Pologne ».

Dans une déclaration émise peu après, Paweł Adamowicz condamne sévèrement le rassemblement : « Hier, Gdańsk et ses habitants ont été gravement offensés par des gens qui détournent les idéaux de liberté et de solidarité d’une manière particulièrement répugnante ». Il y fait aussi référence à l’histoire : « En regardant les photos de la manifestation, l’on ne peut ne pas remarquer une analogie à une histoire d’il y a quelques dizaines d’années, aux chemises brunes des gens qui ont causé la 2e guerre mondiale, la guerre qui a débuté à Gdańsk. Voilà pourquoi cette marche a suscité parmi nous la stupeur ».

Les nationalistes protégés par le Droit et Justice

Le maire de la ville de Gdańsk a également fait part de son intention de « demander encore une fois l’interdiction du Camp Nationaliste Radical ». Il dit aussi contacter des maires d’autres villes afin de mener une action commune contre l’organisation. Selon lui, le mouvement bénéficie d’une certaine protection de la part du Droit et Justice (PiS) au pouvoir, qui ne fait rien contre lui, quand bien même il dispose de moyens juridiques de l’interdire.

« Pourquoi l’état polonais tolère-t-il des organisations qui se réfèrent de façon univoque aux traditions nationalo-fascistes d’avant la guerre ? », a-t-il questionné. Le choix du lieu de la manifestation était aussi controversé : l’ONR s’est d’abord rassemblé dans les Chantiers navals de Gdańsk, dans la salle où des membres de « Solidarność » ont signé le fameux accord en août 1980. « De cette salle-là sont sortis des gens qui prêchent l’antithèse même des idéaux de Solidarność », peut-on aussi lire dans la déclaration du maire de la ville.

Przemysław Kossakowski

Doctorant à l'Institut de Philologie romane de l’Université de Gdańsk, traducteur.

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