Pour des raisons de « lutte contre le terrorisme », le ministre polonais de la Défense nationale a demandé au voïvode de Poméranie occidentale de lui transmettre des informations sur les étrangers vivant dans sa région. Il semble que cet acte soit le début d’un recensement général de la population étrangère en Pologne.
Antoni Macierewicz, a appelé ces derniers jours le préfet de région de la Poméranie occidentale, Krzysztof Kozłowski, à récolter les informations concernant les personnes étrangères habitant dans la voïvodie. Le ministre de la Défense nationale aurait besoin des informations sur des personnes étrangères possédant la citoyenneté polonaise, sur celles qui ne l’ont pas ainsi que sur les détenteurs du droit de résidence permanente. L’enjeu : la sécurité nationale dans la lutte généralisée contre le terrorisme en Europe Occidentale.
« L’État doit connaître ses habitants étrangers »
Aussitôt publié, le document du ministère a fait l’objet d’un grand débat médiatique en Pologne. « Vu la situation actuelle en Europe, il est naturel qu’un État ait des informations au sujet des étrangers qui résident sur son territoire », s’est empressé d’expliquer le vice-ministre de la Défense nationale, Michał Dworczyk. Selon ce dernier, « la plupart des auteurs des attentats récents étaient des immigrés clandestins ou des personnes qui habitaient en Europe depuis une génération ». Or, selon lui, l’État serait obligé de « rassembler certaines informations afin d’assurer la sécurité à ses citoyens ». Ces informations devraient être à la portée de l’administration locale et centrale, a également précisé Michał Dworczyk.
« Une forme de surveillance extrême »
La décision de M. Macierewicz a tout de suite suscité des réactions parmi les juristes. Monika Płatek, de l’Université de Varsovie, a ainsi commenté la démarche du voïvode : « Les règlements plaidés par M. Kozłowski concernent la gestion des situations de crise. Or, d’après la constitution, on ne peut limiter la liberté et les droits de l’homme et du citoyen selon sa nationalité, sa race, son sexe, sa langue ou sa religion ». Pour l’universitaire, le décret du ministre de la Défense constitue une limitation de liberté avérée.
Katarzyna Szymielewicz, présidente de la fondation « Panoptykon »[1]Organisme qui défend la liberté des citoyens par rapport aux pratiques de surveillance, ndr., a estimé que la mesure gouvernementale tendrait à générer des tensions dans la société entre nationaux et étrangers, alors que l’enjeu se situerait davantage dans la surveillance des milieux à risque de criminalité. Les pratiques promulguées par le ministère « rappellent des formes de surveillance extrêmes en vigueur en Europe Occidentale après des attentats terroristes » – a-t-elle également affirmé.
Un fichage illégal et infondé
Les leaders de l’opposition ont eux aussi critiqué le projet ministériel. Pour Ryszard Kalisz, ancien député SLD (gauche) et ministre de l’intérieur de 2004 à 2005, un tel fichage constituerait un non-respect flagrant de la protection des données personnelles. Selon lui, les recensements des personnes étrangères présentes sur le territoire polonais ne devraient relever ni des voïvodes ni du ministère de la Défense nationale, mais bel et bien du ministère de l’Intérieur. Une critique partagée par le vice-président de la Diète, Stanisław Tyszka (Kukiz’15), qui s’est étonné que le projet de fichage ait été promu par M. Macierewicz et non pas par le ministre de l’Intérieur Mariusz Błaszczak.
Selon M. Tyszka, la constitution n’autorise la transmission des données personnelles qu’en cas de danger réel, ce d’ailleurs indépendamment de la nationalité de la personne concernée. À cette occasion, il a aussi révélé que son parti proposera un référendum au sujet de l’accueil des réfugiés en Pologne.
La Plate-forme civique interpelle la Première ministre
Des députés de la Plate-forme civique (PO) envisagent d’interpeller directement la Première ministre Beata Szydło au sujet de la démarche du ministre de la Défense nationale. Le député Cezary Tomczyk a déclaré vouloir questionner la cheffe de l’exécutif sur le projet de son parti Droit et Justice (PiS) de « surveiller et diviser la société polonaise ».
L’ex-vice-ministre des Affaires étrangères Rafał Trzaskowski a jugé que le PiS envisageait de « gouverner le pays par la peur », en diabolisant les réfugiés, les immigrés et tout autre étranger. L’ancien ministre de la Défense nationale Tomasz Siemoniak, a enfin déploré de son côté les « folles et mauvaises initiatives » de son successeur.
Notes
↑1 | Organisme qui défend la liberté des citoyens par rapport aux pratiques de surveillance, ndr. |
---|