Le programme 500+ fête ce mois-ci ses cinq ans d’existence en Pologne. Si le programme n’est pas sans effet en termes d’aide sociale, il ne remplit pas le principal objectif affiché lors de sa mise en œuvre : inverser le déclin démographique.
Lancé en avril 2016 par le PiS alors fraîchement arrivé au pouvoir, le programme d’allocation familiale « 500+ » fête aujourd’hui ses cinq ans. Il permet aux familles d’au moins deux enfants de percevoir près de 500 złotys par mois et par enfant (à peu près 110 euros).
La majorité parlementaire dominée par le Droit et Justice (PiS) avait ainsi justifié la mesure phare de son mandat : « Le projet de loi vise principalement à aider les familles qui élèvent des enfants et à contrer le déclin démographique en Pologne, en accordant à ces familles une nouvelle allocation pour enfants ».
Le 25 janvier, la ministre de la Famille et de la Politique sociale, Marlena Maląg, a souligné que cette aide, considérée par le gouvernement comme le plus grand programme de soutien aux familles depuis le changement de régime, a atteint 6,6 millions d’enfants.
Cinq années après son entrée en vigueur, côté gouvernement, on célèbre une belle réussite. La ministre de la Famille, Marlena Maląg, lors d’une conférence de presse à la tonalité triomphale, a notamment affirmé que le programme était un succès, et que « tous les objectifs fixés ont été atteints ».
Comme le souligne OKO.press, c’est très exagéré. Pour le principal objectif affiché de stimuler une natalité en berne, c’est raté. En revanche, le 500+ a indéniablement sorti de la pauvreté de nombreuses familles modestes.
Pas de miracle démographique
L’indicateur démographique le plus fiable sur lequel le programme était censé influer, est le taux de fécondité, soit le nombre de naissances rapporté au nombre de femmes en âge de procréer. Les données les plus fiables à analyser sont celles de l’année 2019, puisque la pandémie de covid-19 a provoqué une chute spectaculaire des taux de fécondité dans de nombreux pays d’Europe, dont il trop tôt pour connaître précisément l’ampleur.
Jusqu’à la fin des années 1980, le taux de fécondité moyen en Pologne était supérieur à 2 enfants par femme. Les années 1990 et leurs bouleversements socio-politiques ont entraîné une chute vertigineuse de la fécondité dans tout l’ancien « bloc de l’Est ». En Pologne, de 2,06 enfants par femme en 1990, cette moyenne a chuté à 1,37 enfant par femme en 2000, un taux qui s’est plus au moins stabilisé depuis.
Le lancement du programme 500+ a coïncidé avec une légère augmentation des taux de fécondité : de 1,29 en 2015 à 1,36 en 2016, jusqu’à 1,45 en 2017. Cette moyenne a toutefois baissé depuis à 1,42 en 2019, soit le même niveau qu’en 2010. En 2019, le taux de fécondité en Pologne était de 1,44 enfant par femme, soit en dessous de la moyenne de l’UE, qui s’élève à 1,53, rapporte Fakt.pl.
Une mesure de lutte contre la pauvreté
Malgré tout, le programme 500+ n’échoue pas à tous les niveaux. En effet, ces allocations familiales se sont avérées être un outil efficace de lutte contre la pauvreté, comme le souligne OKO.Press. Entre 2015 et 2019, l’extrême pauvreté a été réduite de moitié pour les enfants polonais : elle en concernait 4,5% en 2019 contre 9% enfants en 2015.
Ce programme d’allocations a toutefois des effets pervers. En 2018, une étude pointait du doigt le fait que plus de 100 000 femmes polonaises avaient quitté leur travail, en raison du programme 500+, durant la période juillet 2016-juin 2017. Cela concernerait les femmes peu qualifiées, issues des petites villes et villages et vivant dans des foyers à faible revenu.
À l’époque, le gouvernement avait déjà balayé cette étude, y voyant un phénomène anecdotique. Qui plus est, que les mères restent au foyer n’est pas pour déplaire au parti chrétien ultraconservateur au pouvoir, qui n’a de cesse de plaider pour un « retour » à la structure familiale « traditionnelle ».
Préoccupations similaires en Hongrie
Parmi les pays du « V4 », la Pologne a le taux de fécondité moyen le plus bas. Sur la dernière décennie, ce taux a par exemple augmenté en République tchèque, passant de 1,51 en 2010 à 1,71 en 2019. En Hongrie aussi, le taux de fécondité a augmenté, se stabilisant en 2019 autour de 1,5 enfant par femme. Le Fidesz met d’ailleurs tout autant l’accent sur le défi démographique que son homologue polonais. L’année 2018 avait été proclamée « l’année des familles », et actuellement, le programme d’allocation familiale et d’aide à l’installation des familles (connu sous le nom de CSOK) bat son plein.
Photo d’illustration : le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki en 2019 lors d’un congrès célébrant le programme 500+. Crédit : Krystian Maj (Source : Wiki Commons)