Petr Uhl, grande figure de la dissidence en Tchécoslovaquie et homme de gauche militant pour les droits de l’homme, est mort mercredi à Prague à l’âge de 80 ans.

Petr Uhl, né à Prague en 1941, a passé neuf années de sa vie dans les prisons de la Tchécoslovaquie communiste et, après le changement de régime, a poursuivi son combat pour défendre les droits de l’homme en tant que député, journaliste et militant politique.
Peu après l’écrasement du printemps de Prague en 1968, Petr Uhl fonde le « Mouvement de la jeunesse révolutionnaire » (Hnutí Revoluční mládeže) mais est rapidement arrêté l’année suivante et condamné en 1971 à quatre ans de prison dans un grand procès spectacle.
Après avoir purgé sa peine, à la fin de l’année 1976, il rejoint le cercle de la Charte 77 et compte parmi les premiers signataires de ce mouvement de dissidence et de lutte pour les droits civiques.
Il participe à créer, avec son épouse Anna Šabatová (qui deviendrait Médiateur de la République), le « Comité des personnes injustement persécutées » (VONS), une sorte d’Amnesty International qui documente les arrestations arbitraires et tente de faire libérer les prisonniers politiques. L’organisation devient membre de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme en 1978.
L’historien Petr Blažek détaille dans Radio Prague : « Jusqu’à la révolution de velours, le comité a publié 1 125 rapports ce qui correspond au nombre de personnes placées sous sa protection, un peu comme le faisait Amnesty International par exemple. Aussi, le VONS a publié les noms des personnes responsables des répressions, donc des juges, des procureurs etc. Ces rapports ont ensuite été communiqués, souvent par téléphone, à des personnes à l’étranger. Ils sont revenus ensuite en Tchécoslovaquie via les émissions des radios étrangères qui diffusaient en tchèque et en slovaque, à savoir la BBC, la Voix de l’Amérique et Radio Free Europe. »
Six des fondateurs de VONS sont condamnés pour avoir prétendument « tenté de renverser la République » et écopent de peines de trois à cinq ans de prison, parmi eux Václav Havel, Václav Benda, Dana Němcová et…Petr Uhl qui prend 5 ans et sera libéré en mai 1984.

Dans la seconde partie des années 80, Uhl œuvre à l’internationalisation des dissidences dans le bloc de l’Est, en organisant des rencontres et des contacts avec les dissidents polonais et hongrois. Il participe aussi à la création de l’Agence d’information pour l’Europe de l’Est, la première agence de presse indépendante en Tchécoslovaquie, qui alimente en informations les groupes d’opposition et les médias occidentaux.
Après la victoire de la Révolution de velours, Petr Uhl est élu député (de 1990 à 1992), puis travaille comme journaliste, pour le quotidien Právo (jusqu’en 2015) et à la direction de l’agence de presse tchécoslovaque ČTK.
En septembre 1998, il est nommé représentant des droits de l’homme du gouvernement tchèque et devient membre d’un groupe de travail du comité des droits de l’homme des Nations Unies (de 1999 à 2001).
Uhl s’est également impliqué pour les droits civiques de la minorité rom en République tchèque et a milité avec le Parti vert.
Le président Václav Havel, dont il était proche, lui a décerné la Médaille du mérite du premier degré en 1998.
Francophone, il avait été nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 2006. Dans une interview à Radio Prague à cette occasion, il expliquait : « J`ai eu pendant toute ma vie des contacts avec la France, avec les Français, avec la culture française et c’est devenu un choix. C’est aussi un choix culturel comme, disons, un contrepoids à l’orientation trop unilatérale de la société tchécoslovaque, et maintenant tchèque, vers le monde anglophone, vers les États-Unis, etc. »