Petite crise de « l’hymne national » entre la Slovaquie et la Hongrie

Le vote d’une loi sur les « emblèmes nationaux » par le parlement slovaque a suscité quelques tensions entre Bratislava et Budapest. La disposition législative portée par les nationalistes du SNS prévoit de sanctionner de 7000 euros le chant d’un hymne étranger sur le territoire national. Dont l’hymne hongrois, régulièrement entonné par les supporters du DAC de Dunajská Streda.

Le parlement slovaque a voté le 27 mars dernier une loi sur les emblèmes nationaux sous l’impulsion du Parti national slovaque (SNS), une formation nationaliste en coalition gouvernementale avec les socialistes du Smer-SD. Le texte vise notamment à encadrer l’usage des armoiries slovaques, mais également à sanctionner le fait d’entonner un hymne étranger lors de manifestations publiques. La pénalité pourrait atteindre jusqu’à 7000 euros en cas d’infraction, et ne concernerait que les personnes morales, comme les clubs de supporters de football. Dans le viseur des députés du SNS, l’himnusz hongrois régulièrement chanté dans les tribunes du DAC de Dunajská Streda, une des principales villes magyarophones de Slovaquie.

« La loi slovaque est inacceptable », a déclaré hier le porte-parole du gouvernement hongrois lors de son point-presse hebdomadaire. Gergely Gulyás a considéré que le texte promu par Bratislava était une « atteinte aux droits de l’homme », et annoncé que le ministre des Affaires étrangères Péter Szijjártó « prendrait ses dispositions ». Contacté par téléphone par MTI, ce dernier a dit s’être entretenu sur ce sujet avec son homologue slovaque Miroslav Lajčák, en marge d’une table ronde de l’OTAN à Washington.

« Le ministre slovaque est d’accord pour que les relations entre nos deux pays se fondent sur un respect mutuel, et que la communauté nationale hongroise est un atout pour cela », a déclaré Péter Szijjártó. Le ministre a également indiqué avoir pris langue sur ce sujet avec les représentants des deux principaux partis de la minorité hongroise de Slovaquie : József Menyhárt du Parti de la communauté hongroise (SMK-MKP) et Tibor Bastrnák de Most-Híd.

Le mea culpa de Most-Híd

Le groupe parlementaire de Most-Híd s’est justement retrouvé au centre d’une importante polémique au sujet de cette loi sur les emblèmes nationaux, car neuf de ses treize députés ont voté en faveur du texte. Hier, cinq d’entre eux ont présenté leurs excuses dans les colonnes du quotidien magyarophone Új szó. « J’ai fait une erreur », a ainsi écrit le député Péter Vörös, expliquant avoir voté la modification législative « sans y prêter attention ». « Nous allons tout faire avec mes collègues pour que la disposition n’entre pas en application », a-t-il cherché à rassurer.

Le chef du parti Béla Bugár s’est joint au mea culpa de Most-Híd, en expliquant hier avoir été « trompé » par ses partenaires du SNS. Celui qui est par ailleurs vice-président du parlement slovaque a expliqué auprès de Bumm.sk que « si une solution n’est pas trouvée [avec la majorité], il est naturel que nous ne resterons pas dans cette coalition ». Hier, Béla Bugár assurait avoir reçu la garantie que le président de la république Andrej Kiska mettrait son véto au texte de loi.

Budapest aurait pris bonne note de l’engagement présidentiel et ne semble en tout cas ne pas vouloir jeter de l’huile sur le feu. « Nous échangeons les uns avec les autres, nous suivons le déroulement des choses, nous nous renseignons sur les implications juridiques, mais les informations dont nous disposons indiquent qu’une solution d’apaisement pourrait bientôt être trouvée sur cette question », a déclaré Péter Szijjártó.

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Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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