Orbán reçoit une volée de bois vert au Parlement européen

Pour son baptême du feu au Parlement européen dans le cadre de la présidence hongroise de l’UE, le premier ministre hongrois Viktor Orbán était venu présenter aux eurodéputés, mercredi, les grands objectifs de la Hongrie. Mais c’est à une déferlante de critiques en rapport avec la loi sur les médias qu’il a dû faire face. Ironie de la situation, ce pugilat parlementaire avait lieu à Strasbourg, dans l’hémicycle – symbole du simulacre de démocratie de l’Union Européenne.

Il se savait attendu au tournant par les députés européens chauffés à blanc par les avalanches de critiques concernant la démocratie hongroise, publiées chaque jour dans la presse depuis le début de l’année. Mais peut-être ne s’attendait-il pas à une telle virulence. Tout a mal commencé. M. Orbán a été accueilli dans l’hémicycle par les députés écologistes bâillonnés et brandissant des « unes » blanches fictives des principaux journaux hongrois, barrées du mot « Censored ». Le ton était donné.

Le premier ministre hongrois a dressé un parallèle entre les défis d’il y a vingt ans et ceux d’aujourd’hui, estimant que « la Hongrie est le pays ayant sacrifié le plus de sang pour la liberté et la démocratie. […] Nous avons fait beaucoup d’efforts pour la réunification de l’Europe ». Il a tenté de déminer le terrain en rappelant que la Hongrie accepterait la décision de la Commission européenne – qui étudie en ce moment le texte – et amenderait sa loi s’il apparaît qu’elle n’est pas conforme à la législation européenne. « Si des objections peuvent être établies et vérifiées, nous serions que trop heureux de modifier la loi.[…] Ce n’est pas une affaire de prestige, ce n’est pas un bras de fer », a-t-il fait savoir. « Ne mélangez pas les critiques de la politique intérieure hongroise avec les six mois de la présidence hongroise. Je vous demande de faire cette distinction autant que cela vous est possible. […] Si vous mélangez les deux, je suis évidemment prêt à me battre, mais vous devez réaliser que cela ne portera pas uniquement atteinte à la Hongrie, mais à l’UE dans son ensemble », a-t-il plaidé. En vain.

Selon Cohn-Bendit, Orbán est un Chávez en devenir

Cela ne surprendra personne, c’est le chef de file des Verts européens, Daniel Cohn-Bendit, qui, dans un discours plein d’emphase [Voir la vidéo plus bas], a marqué les esprits en assénant une comparaison (déjà effectuée par des politologues en Hongrie même) entre Viktor Orbán et le président vénézuélien Hugo Chávez. « M. Orbán vous êtes sur le chemin de devenir un Chavez européen, un national-populiste qui ne comprend pas l’essence et la structure de la démocratie. […] L’information équilibrée n’existe pas. La presse doit déranger la politique, et c’est pour cela que votre loi n’est pas une loi qui correspond aux valeurs de l’Union européenne », a critiqué M. Cohn-Bendit. Peu avant de tancer le premier ministre hongrois, « Dany le rouge » ignorait sans doute que le journal qu’il brandissait barré de la mention « Censored » n’était autre que le Magyar Nemzet, le grand quotidien conservateur hongrois, indéfectible soutien de Viktor Orbán, dont il y a tout lieu de penser que ses journalistes ne seront pas les premiers visés par la censure.

Sur la même ligne que les Verts, le chef du groupe socialiste, l’Allemand Martin Schulz, a exhorté le premier ministre hongrois à  retirer sa loi sur les médias. « En démocratie, les médias contrôlent le pouvoir. Avec cette loi, c’est le pouvoir qui contrôle les médias et cela ne va pas, dans une démocratie », a-t-il déclaré. Pour le président belge de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, Guy Verhofstadt, la loi hongroise sur les médias est « un éléphant dans un magasin de porcelaine ». Selon lui, conformément à loi slovaque sur la langue et à la loi hongroise sur les médias, l’écrivain Sándor Márai n’aurait jamais eu l’occasion d’écrire son œuvre, intitulée Les confessions d’un bourgeois ni d’exercer son métier de journaliste. C’est tout juste si Viktor Orbán a pu compter sur un soutien, un peu embarrassé, des conservateurs du PPE, à laquelle son parti est affilié. « Le parti de Viktor Orbán est celui de la liberté et de la démocratie. […] J’ai confiance en vous. Il y a longtemps que nous nous connaissons et je vous considère comme un très grand européen », a déclaré leur chef Joseph Daul.

« C’est une offense au peuple hongrois » (Viktor Orbán)

Le premier ministre hongrois s’est quelque peu laissé emporter par la virulence des critiques à son égard : « Je n’accepte pas que quiconque remette en question l’engagement démocratique du peuple hongrois simplement parce que nous avons vécu sous la dictature pendant 40 ans ! La loi sur les médias peut-être critiquée mais le peuple hongrois n’a pas à être insulté ! Dire que la Hongrie se dirige vers une dictature est une offense au peuple hongrois.» [Voir la vidéo ci-après] Plus tard dans cette matinée houleuse, Daniel Cohn-Bendit reprendra la parole en réponse au discours de M. Orbán : « Vous avez raison d’être fier du peuple hongrois ! Mais la vérité n’est pas toujours du côté de la majorité ».

Si l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement européen ont salué l’ambition et soutenu le programme de la présidence hongroise, il faut bien dire que la loi sur les médias a occulté tout le reste. A Bruxelles, on a encore manqué une occasion de travailler sur les objectifs de la Hongrie. L’intégration des Roms, la stratégie pour le développement de la région danubienne, l’approvisionnement énergétique de l’Europe, la gouvernance économique, etc., tout cela attendra.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

18 Comments
  1. le discours de cohn bendit est tellement in your face, que l’autre n’a même pas l’air de l’écouter…

  2. Et ou est l’Europe pour critiquer les dérives démocratiques en France (Loppsi 2, média, Bettencourt, Karachi…) ? 🙂
    « A Bruxelles, on a encore manqué une occasion de travailler sur les objectifs de la Hongrie. L’intégration des Roms, la stratégie pour la région danubienne, l’approvisionnement énergétique… de l’Europe, la gouvernance économique, etc., tout cela attendra. »

  3. Il est certain qu’une loi sur les medias est, apparemment, une « grosse maladresse » pour ouvrir la présidence hongroise de l’U.E.. Les medias indépendants et « en opposition » à son parti, ne l’ont pourtant pas empêché de remporter un très gros succès électoral en Hongrie. Les craintes de Victor Orbàn pour l’avenir semblent donc peu justifiés.

    D’un autre côté, c’est aussi une excellente opportunité de prendre conscience des difficultés spécifiques des anciens pays dits communistes. Après les premières « attaques », les députés européens vont devoir prendre conscience que Victor Orbàn ne terminera pas comme un Hugo Chavez, tout simplement parce que la Hongrie, elle, est dans l’Union Européenne. Mais pour cela, il faudra re-découvrir la coopération sincère et équitable entre tous les responsables politiques de l’U.E..

    La Présidence hongroise devait « bricoler » sur quelques détails classiques. Elle va peut être, souhaitons le, être la présidence d’une grande prise de conscience, et de remise à l’heure démocratique, pour donner un nouvel élan à ‘l’intégration » plus approfondie de tous les peuples de l’Europe.

    Il faudra, pour cela, une volonté forte et un dépassement des clivages politiques traditionnels, que Victor Orbàn a , peut être, déjà commencé en Hongrie.

  4. bon courage a Viktor Orban, il a de la patience de supporter toute la désinformation qui sévit parmi les journaux face a lui!
    Les médias ne refletent pas DU TOUT la réalité ni les intentions de cet homme, moi je les comprends, il a un bon fond, il est simplement malcompris!

    J’ai honte pour les médias européens.

  5. A propos de la bonne et de la mauvaise démocratie.

    Selon Orban, la réelle cause de l’avalanche des critiques qu’il subit, c’est les 2/3 de sièges qu’il a obtenu au parlement. Pourtant, il dit ce qu’il fait, et il fait ce qu’il dit. Dans sa campagne électorale, il a promis de réformer les médias. Il a promis de changer la constitution. Et il a été élu!
    Ces Hongrois n’ont rien compris à la démocratie, quel peuple immature.
    Prenez exemple sur la France, où on gagne avec 50,5% contre 49,5%. Quelle sagesse, quelle subtilité! Encore mieux, si on arrive quelques mois plus tard à une cohabitation. Vive la dissolution! Votez toujours contre, la démocratie est garantie. Referendum sur la constitution Europénne? Vas-y, vote mon pote. Tu ne sais pas pourquoi? Tant pis, vote contre, tu ne peux pas te tromper. Quel succès! Avec ça, essaye de gouverner et faire des réformes…. Bonjour les dettes, bonjour la compétivité.
    Heureusement qu’il y a la presse pour qu’on y voit un peu plus claire, pour défendre nos droits….
    Avez-vous déjà vu un journaliste qui dit qu’il a trop de liberté? Qu’il rêve d’être mis devant ses responsabilités? Bien sur, qu’il sont unanimes pour raler, pour hurler. En lisant la presse d’aujourd’hui, en comparant les citations aux sources originales, j’ai de plus en plus l’impression que la liberté de la presse signifie pour certains, la liberté de mentir.

  6. @IrgumBurgum, Ou de dire la vérité… Penses tu qu’avec cette lois, un Wikileaks hongrois serait possible ? Penses tu que ce sont des informations équilibrées ? Qu’un Assange hongrois ne risquerait rien…

  7. « ce pugilat parlementaire avait lieu à Strasbourg, dans l’hémicycle – symbole du simulacre de démocratie de l’Union Européenne. »

    Sur le fond, votre article reprend brièvement mais clairement la teneur des propos de la session de mercredi au Parlement. Il n’en demeure pas moins que votre petit phrase sur le Parlement européen nuit à la pertinence de votre article.

    En gros, vous sous entendez qu’il est totalement aberrant que les parlementaires européens puissent critiquer Victor Orban premier ministre élus avec les 2/3 des voix des hongrois). Il me semble que l’UE et les députés européen n’ont pas manqué de critiquer la reconduite à la frontière des Roms. La France, la Hongrie sont membres de l’UE. A eux de respecter la règlementation européenne que ce soit sur la presse ou sur la libre circulation des personnes…).

    Si le Parlement européen, représentant la voix des citoyens européens ( ne vous en déplaise) n’avait rien dit, je vous laisse imaginer les commentaires, dont les vôtres (cf. critique des journalistes français lors de la conf. de presse avec M. Martonyi!!)

    Moi, ce qui m’interpelle le plus dans cette histoire, c’est qu’au final, les priorités de la présidence hongroise sont passées au second plan ( voir plus loin encore). A qui la faute ???

  8. La loi sur les medias fortement voulue par le gouvenement dirigé par M.Orban, et avalé par un parlement hongrois désormais á sa disposition personnel, est juste la pointe d’un iceberg qui ne tardera pas á révéler ses dimensions et son danger ; faut-il en effet souligner que depuis sa re-élection en Mai 2010 M.Orban a bien planifié l’occupation du sommet de l’etat hongrois en placant á la presidence de la République, au sein du conseil constitutionnel et de la cour de comptes des hommes issue de son entourage ? Faut-il souligner la saisie des retraites et la taxe sur la crise qui risquent de faire effrondrer l’economie d’un état qui est depuis un an en situation de cessation de paiements imminente ? Et encore, faut-il se rappeler du defilé honteux des membres du groupe paranazi nommé Garda qui organisa , avec ses uniformes et ses drapeaux , une entrée triomphale au sein de l’hemicylce du parlement de Budapest afin de feter son, hellas, score electoral ? Qui, á part Victor Orban, aurait eu intêret á tolérer ce genre de guignolerie afin d’agiter l’épouvantail neonazi pour se présenter comme le dérnier bastion de la modération (?) et de la democratie ? Et enfin comment qualifier un premiér ministre qui se defnit comme le premiér ministe de 15 millions d’hongrois en sachant que ce genre d’affirmations risquent de faire glisser l’Europe centrale plus du coté des balkans que du coté de l’Europe de l’ouest ? Daniel Cohn-Bendit a comparé Victor Orban au président Hugo Chavez mais il a un peu tort car Victor Orban pourrait bel et bien jouer á l’apprenti Milosevic voir même pire á l’apprenti Karadzic.

  9. La loi sur les medias fortement voulue par le gouvenement dirigé par M.Orban, et avalé par un parlement hongrois désormais á sa disposition personnel, est juste la pointe d’un iceberg qui ne tardera pas á révéler ses dimensions et son danger ; faut-il en effet souligner que depuis sa re-élection en Mai 2010 M.Orban a bien planifié l’occupation du sommet de l’etat hongrois en placant á la presidence de la République, au sein du conseil constitutionnel et de la cour de comptes des hommes issus de son entourage ? Faut-il souligner la saisie des retraites et la taxe sur la crise qui risquent de faire effrondrer l’economie d’un état qui est depuis un an en situation de cessation de paiements imminente ? Et encore, faut-il se rappeler du defilé honteux des membres du groupe paranazi nommé Garda qui organisa , avec ses uniformes et ses drapeaux , une entrée triomphale au sein de l’hemicylce du parlement de Budapest afin de feter son, hellas, score électoral ? Qui, á part Victor Orban, aurait eu intêret á tolérer ce genre de guignolerie afin d’agiter l’épouvantail neonazi pour se présenter comme le dérnier bastion de la modération (?) et de la democratie ? Et enfin comment qualifier un premiér ministre qui se defnit comme le premiér ministre de 15 millions d’hongrois en sachant que ce genre d’affirmations risquent de faire glisser l’Europe centrale plus du côté des balkans que du côté de l’Europe de l’ouest ? Daniel Cohn-Bendit a comparé Victor Orban au président Hugo Chavez mais il a un peu tort car Victor Orban pourrait bel et bien jouer á l’apprenti Milosevic voir même pire á l’apprenti Karadzic.

  10. @antonio
    Voici un bel example de terrorisme intellectuel. Tout y est: l’amalgame, l’argument de l’épouvantail,
    les propos injurieux, l’exploitation des tabous. C’est classique, dès qu’on est de droite, on y a droit.
    En Hongrie, comme en France. J’imagine Sarko, si il avait 2/3 des voix…

  11. C’est intéressant comme réponse. Tous les hommes de droite ont donc droit à l’amalgame avec Milosevic ou Chavez … deux hommes politiques se réclamant du courant communiste ?

    Ce n’est pas la droite qui est la cible de ce « terrorisme intellectuel » (quel terme moche et inaproprié) mais le nationalisme qui s’oppose au libéralisme économique.

    Sarkozy ne craint donc pas grand chose tant qu’il reste sur un nationalisme ethnique et un libéralisme économique.

  12. La Commission européenne a mis en demeure la Hongrie de démontrer dans un délai de deux semaines que sa loi contestée sur les médias est conforme à la législation européenne, a annoncé vendredi un porte-parole de la Commission.

    « Je confirme que la Hongrie dispose de deux semaines pour répondre; passé ce délai, nous nous réservons le droit d’entamer une procédure d’infraction », a dit Jonathan Todd à l’agence Reuters.

  13. @Nosh
    Autant pour moi. Mais alors, en quoi la comparaison avec Milosevic est-elle pertinante, comme vous le dites vous même, deux lignes plus haut?
    Concernant le terme « moche et inaproprié » cf. le livre de Jean Sévillia, du même titre.

  14. @Nosh
    PS: Voilà qu’on mélange maintenant lutte des classes et purification ethnique.
    Milosevic, un homme de gauche. Qu’en diraient vos copains bobo?
    Comparer Orban à quelqu’un qui a commis des crimes contre l’humanité, il ne faut pas manquer d’humour.

  15. @IrgumBurgum..au fait c’tait juste une provocation ;-)..d’ailleurs j’ai qualifé Orban d’ apprenti Milosevic et pas de potentiel Milosevic :-)…et celá juste pour souligner qu’il faut pas franchir des caps dangereux..et le fait que Milosevic c’tait un socilaiste..bof..malheureusement de nos jours on voit de – en – ces genres de différences…

  16. @antonio
    T’inquiète, je n’ai pas pris non plus au premier degré. On se taquine un peu, ce n’est pas bien méchant. Au contraire, on apprend à mieux se connaître si notre interlocuteur nous tend un miroir.
    Et puis, je vais te dire un truc. En 1989, à l’occasion de la cérémonie en hommage à Imre Nagy, quand Ovi a demandé le retrait immédiat des troupes soviétiques, tout le mondé était convaincu, qu’il a franchi un cap à ne pas dépasser….Que ce cirque ne durera pas plus que deux semaines. C’était bien avant la chute du mur, ça nous a bien secoué.

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