Sous pression des ONG, un nombre croissant de municipalités polonaises mettent en place des dispositifs de logement d’urgence pour les personnes LGBT+ jetées à la rue.
À Poznań, la mairie a décidé de financer un appartement pour les adultes LGBT+ victimes de violences, leur allouant un budget de 60 000 zlotys (environ 13 350 €). Après un appel d’offres lancé par la municipalité, les ONG avaient jusqu’au 17 février 2021 pour soumettre leurs projets. Pour le prestataire, choisi par un jury composé de représentants de la mairie et d’ONG, il s’agira d’aménager un logement pilote qui accueillera plusieurs personnes, neuf mois durant, du 1er avril au 31 décembre 2021.
À l’issue de ce projet, la ville souhaite pouvoir définir plus précisément les besoins des personnes LGBT+ à la rue ou victimes de violences, ne disposant pas d’estimations fiables dans le domaine. Stella Gołębiewska, responsable de la politique d’égalité à la mairie, nous explique que ce projet a pour but d’évaluer les besoins des bénéficiaires afin de pouvoir mieux les accompagner dans le futur.
« La création d’un logement d’intervention pour les adultes LGBT+ victimes de violences est une réponse au besoin signalé au maire (Jacek Jaśkowiak – NDLR.) par la communauté des experts, des organisations non-gouvernementales et des unités municipales de protection sociale. Les personnes LGBT + sont souvent victimes de violences lorsque leur orientation sexuelle est révélée ou en relation avec leur transition, ce qu’il fait qu’elles n’ont non nulle part où vivre en sécurité. Le logement d’urgence pourrait permettre à cette population de retrouver son équilibre de vie, d’obtenir un accompagnement adapté à une autonomie retrouvée dans un futur proche », nous explique-t-elle.
« Les personnes LGBT + sont souvent victimes de violences lorsque leur orientation sexuelle est révélée ou en relation avec leur transition, ce qu’il fait qu’elles n’ont non nulle part où vivre en sécurité » – Stella Gołębiewska, responsable de la politique d’égalité à la mairie de Poznań.
Les ONG en première ligne
Bien que la ville soit à l’initiative de cet appel, cela fait des années que l’ONG Grupa Stonewall plaidait auprès de la municipalité pour la création d’un tel refuge. Les militants applaudissent, y voyant un geste de solidarité envers la communauté LGBT+. « C’est la concrétisation d’une revendication pour lequel nous nous battons au conseil municipal depuis des années », a ainsi dit Mateusz Sulwiński, le président du Groupe Stonewall, tout en ajoutant : « nous espérons que la prochaine étape consistera à inclure définitivement cette forme d’aide dans le budget de la ville ».
Poznań n’est pas un cas isolé. D’autres grandes villes polonaises ne restent pas inactives mais, comme à Poznań, ces actions restent essentiellement du domaine des ONG. En effet, la Pologne manque de données officielles sur la question des personnes LGBT+ à la rue. Les nombreux rapports des associations – qui révèlent une situation alarmante – sont devenus indispensables face au manque de moyens mobilisés par les pouvoirs publics.
Cracovie et Varsovie en soutien de la société civile
En décembre dernier, la ville de Cracovie a choisi de subventionner à hauteur de 184 000 zlotys (environ 40 000 €) un foyer à destination des personnes LGBT+ qui vivent dans la rue. Pendant les deux prochaines années, l’établissement qui pourra accueillir une douzaine de personnes offrira un toit et un soutien psychologique aux résidents.
À Varsovie, ce sont quatre ONG – Kampania Przeciw Homofobii, Lambda Warszawa, My, rodzice et Po drugie – qui ont pris les choses en mains. Elles ont uni leurs ressources et ouvert le 4 mars le premier appartement d’intervention pour les jeunes personnes LGBT+ à la rue. L’appartement reçoit déjà ses premiers locataires.
Le logement peut accueillir jusqu’à 3 jeunes âgés de 18 à 29 ans sur une durée maximale de 12 mois, avec possibilité de prolongation. Les locataires recevront l’aide nécessaire pour trouver un logement et un emploi. Accompagnés individuellement par un tuteur, ils recevront de l’aide spécialisée (psychologique, juridique, thérapeutique) et pourront également profiter d’une orientation professionnelle ainsi que d’un soutient visant à leur (ré)intégration sociale.
Cet appartement d’urgence est un complément à l’initiative municipale. De son côté, la mairie de Varsovie a en effet publié un appel d’offres, fin février, pour aménager une auberge d’intervention pour les personnes LGBT+. Cela marque les premiers pas de la mise en œuvre de la fameuse « charte LGBT+ » initiée par l’association Miłość nie wyklucza et signée par le maire Rafał Trzaskowski en février 2019. En plus du volet logement, cette charte prévoit la création d’un mécanisme d’aide rapide de la ville et une campagne anti-discrimination.
« L’indifférence et le manque de discussion sur les droits des minorités deviennent un consentement réel au préjudice », déclare Monika Sajkowska, Présidente de la fondation Dajemy Dzieciom Siłę.
Des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les discriminations
Sur ce dernier point, ce sont encore les associations qui prennent le relais. La fondation Dajemy Dzieciom Siłę a lancé dernièrement la campagne d’éducation « LGBT+ moi » sur les réseaux sociaux, qui promeut une approche bienveillante avec le slogan : « Êtes-vous une personne LGBT+ ? Nous sommes vos alliés ! ». Elle souligne que les violences et les attitudes homophobes subies par cette communauté résultent entre autres de la négligence dans le domaine de la lutte contre la discrimination, d’une réponse civique insuffisante aux préjudices et du manque d’éducation sexuelle.
« Les injures auxquelles personne ne réagit, le manque de mesures préventives et le fait de jouer la carte de l’homophobie pour des intérêts politiques créent progressivement de plus en plus d’espace pour les actes d’agression et autres formes de discrimination. L’indifférence et le manque de discussion sur les droits des minorités deviennent un consentement réel au préjudice », déclare Monika Sajkowska, Présidente de la fondation.
« Dajemy Dzieciom Siłę » met en lumière ces discriminations dans des films courts-métrages via le regard d’adolescents souhaitant soutenir leurs pairs LGBT+. Ils espèrent que ce mouvement prendra de l’ampleur pour toucher et sensibiliser les adultes. Et pourquoi pas des représentants politiques aussi…