« Nous sommes l’avenir de l’Europe », prophétise Viktor Orbán

L’élite libérale européenne issue de 1968 sera bientôt balayée par une nouvelle génération d’hommes politiques, a espéré samedi le dirigeant hongrois, lors de son intervention traditionnelle à Băile Tuşnad (Tusnádfürdő) en Transylvanie.

Samedi à Băile Tuşnad en Roumanie. Source : page facebook de Viktor Orbán.

C’est l’un des moments les plus scrutés de la vie politique hongroise. Chaque été à la fin du mois de juillet, le chef du gouvernement Viktor Orbán se rend au à l’Université d’été de Bálványos, au cœur des Carpates en Roumanie, pour s’adresser à la minorité hongroise.

« Que se passera-t-il quand l’élite de 68 tombera ? Ce sera notre tour. La génération de 1990 prendra les rênes de la politique européenne : une génération de chrétiens anticommunistes avec un esprit national », a-t-il déclaré. « Il y a trente ans, nous pensions que notre avenir était l’Europe. Nous sommes maintenant l’avenir de l’Europe. »

Ce rendez-vous annuel qui se déroule depuis le début des années 90 dans le Pays sicule, une région majoritairement magyarophone aux velléités autonomistes, a pris une dimension supplémentaire lorsque, en 2014, Viktor Orbán y a annoncé l’avènement de la « démocratie illibérale », prenant en exemple la Russie et la Turquie.

Depuis le printemps, le chef du gouvernement hongrois ne parle plus de l’« illibéralisme » qui lui a conféré une stature internationale, mais affirme représenter la « démocratie chrétienne ». « La démocratie libérale est devenue une non-démocratie libérale », a-t-il déclaré hier à Tusnádfürdő, ajoutant que l’entrave à la liberté d’expression, la censure et le politiquement correct règnent en Occident. « Nous devons leur montrer qu’il existe une alternative à la démocratie libérale. C’est ce qu’on appelle la démocratie chrétienne ».

Viktor Orbán a une nouvelle fois anticipé des élections européennes qui se joueront, selon lui, uniquement sur la question migratoire. Le Fidesz ne souhaite pas quitter le Parti Populaire européen (PPE), mais il n’est pas exclu qu’il s’en fasse exclure, a-t-il dit. Se lançant dans une diatribe contre l’Union européenne, il a aussi déclaré que « les dirigeants de l’UE sont incompétents. Ils n’ont pas réussi à protéger l’Europe de la migration. L’élite européenne a échoué, et la Commission européenne en est le symbole. Ses jours sont comptés ».

Reconstruire le Bassin des Carpates

Le Premier ministre hongrois se pose en guide d’une Europe centrale à reconstruire, sur des piliers qu’il a explicités : culture chrétienne et rejet du multiculturalisme ; modèle familial traditionnel ; protectionnisme des secteurs économiques stratégiques ; protection des frontières et rejet de l’immigration.

Mais avant de se lancer dans cette vaste entreprise, Orbán a plaidé et appelé les pays voisins de la Hongrie à « reconstruire le bassin des Carpates », en « reliant nos pays avec des autoroutes et des chemins de fer ». Cette notion géographique hungaro-centrée est suspecte aux yeux des pays voisins qui redoutent un retour de l’ancienne puissance régionale magyare.

« L’ère centenaire de la solitude hongroise est terminée », a déclaré avec emphase le Premier ministre Orbán, en référence au Traité de Trianon qui a démembré le royaume de Hongrie après la première Guerre mondiale et dont la Hongrie commémorera le centenaire en 2020. « Une fois que nous aurons reconstruit le bassin des Carpates, a déclaré le Premier ministre, notre tâche est de construire une nouvelle région forte et sûre : l’Europe centrale. »

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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