Les migrants roms du Royaume-Uni dans l’incertitude post-Brexit

Un rapport d’un think tank britannique fait le point sur la situation de la communauté rom au Royaume-Uni dans le contexte d’incertitude post-Brexit. Celle-ci est principalement composée de ressortissants de pays d’Europe centrale et orientale.

Londres, correspondance – L’Institute for Public Policy Research (IPPR) vient de publier en octobre un rapport intitulé Communauté rom  et Brexit – Intégrer et donner aux Roms les moyens de réussir au Royaume-Uni («Roma community and Brexit – Integrating and Empowering Roma in the UK»). Il y fait l’état des lieux de la situation de la communauté Rom au Royaume-Uni dans le contexte d’incertitude suite au vote du Brexit de juin dernier.

Estimée entre 80000 et 300000 personnes, la communauté Rom de Grande-Bretagne s’est considérablement agrandie durant les années 2000, lors des élargissements successifs de l’Union européenne vers des pays d’Europe centrale et orientale. Une grande partie d’entre elle possède le passeport d’un pays européen mais pas forcément la citoyenneté britannique. Marley Morris, chercheur à l’IPPR et auteur du rapport, identifie trois risques majeurs auxquels sont confrontés ces individus dans le contexte post-Brexit : l’incertitude liée à leur statut légal, la hausse des crimes de haine raciale et la possible perte des fonds de l’Union Européenne qui leur étaient alloués. Autant de problématiques sensibles qui viennent s’ajouter aux stigmatisations et inégalités sociales dont souffre déjà cette communauté.

La langue est une barrière majeure pour un grand nombre des membres de la communauté rom, ce qui rend difficile l’accès aux soins médicaux et au marché du travail. Sur le terrain, les services publics manquent de traducteurs et d’interprètes mais aussi de personnes agissant comme médiateurs afin de créer et d’entretenir un lien avec les membres de la communauté rom. Selon Marley Morris, qui a répondu à nos questions, l’éducation est cruciale si l’on veut voir une amélioration durable des conditions de la communauté rom au Royaume-Uni. Il s’agit là de s’assurer que les enfants se rendent à l’école régulièrement et que l’apprentissage de l’anglais devienne une priorité. Pour lutter contre les difficultés scolaires sans produire de nouvelle ségrégation, Morris suggère la présence de personnel auxiliaire dans les salles de classe mixtes.

La méconnaissance de la culture et des croyances de la communauté rom est également, selon Morris, un frein à l’intégration. Faire connaître cette culture aux enseignants ainsi qu’aux élèves des écoles serait une solution pour assurer un meilleur ancrage des élèves roms dans les établissements scolaires. Cela s’applique, là encore, aux intervenants des services publics comme le domaine de la santé. Au-delà de se familiariser avec la culture, il serait important de comprendre les spécificités de la communauté rom afin d’ajuster les programmes qui leur sont destinés. Morris observe qu’il est parfois difficile pour les membres de la communauté rom de se rendre aux rendez-vous médicaux, pour des raisons diverses. L’auteur du rapport pointe également la nécessaire prise en charge de troubles psychologiques présents chez quelques enfants, un sujet encore minorés par les services de santé.

Pour une communauté déjà vulnérable dans des pans entiers de la vie sociale, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne signifierait une possible perte, ou du moins une importante réduction, des fonds injectés par l’UE dans les programmes d’aide et d’intégration développés au Royaume-Uni pour les Roms. La solution qui semble se profiler est celle de la gestion des problèmes spécifiques aux Roms par les services publics traditionnels. Si cette solution semble la moins onéreuse, il n’en est rien car Marley Morris prévient que loin de se tourner vers les autorités locales, les membres de la communauté rom vont s’isoler encore plus, rendant la tâche des services publics plus compliquée et coûteuse. Alors que les capitales d’Europe centrale et orientale semblent déployer une énergie considérable pour défendre les intérêts de leurs ressortissants au Royaume-Uni, reste à savoir ce qu’il en sera de ceux des membres de leurs minorités ethniques.

Isma Hassaine Poirier

Journaliste

Membre de la rédaction de Hulala. Correspondante basée à Londres. Diplômée en science politique et en journalisme. Spécialisée en actualité politique et sujets de société.

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