L’ombre de la mafia calabraise plane sur l’assassinat de Ján Kuciak

Le jeune journaliste d’investigation Ján Kuciak enquêtait sur l’implantation de la ‘Ndrangheta lorsqu’il a été assassiné à la fin de la semaine dernière. Selon son enquête publiée inachevée, les tentacules de la pieuvre remonteraient jusqu’au sommet du pouvoir slovaque.

« Il manque la fin de l’article, l’auteur ne l’a pas terminé ». C’est par cette petite note de fin de page que la rédaction d’Aktuality.sk a conclu la publication de l’enquête que menait son journaliste lorsqu’il a été abattu en fin de semaine dernière, ainsi que sa petite amie Martina Kušnírová, à Veľká Mača dans l’ouest de la Slovaquie. Aktuality.sk explique avoir décidé de publier son enquête non-achevée pour honorer sa mémoire, mais surtout pour minimiser le danger pour les autres reporters qui travaillent sur la même affaire.

Le site slovaque travaillait en lien avec le Centre tchèque de journalisme d’investigation (CCIJ) et l’Investigative Reporting Project Italy (IRPI). Le consortium de journalistes d’enquêtes – Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) – qui coordonnait les travaux de l’enquête a de son côté commencé à publier en anglais, en plusieurs papiers, le travail de Ján Kuciak. Le premier volet de l’enquête a été publié ce mercredi sous le titre « Le modèle, la mafia et les meurtriers ».

La mafia. C’est la ‘Ndrangheta qui, depuis la Calabre dans le sud de l’Italie, a la main sur le trafic de la cocaïne en lien avec les cartels d’Amérique du sud et qui, selon l’Office européen de police (Europol), « occupe une position dominante sur le marché de la cocaïne en Europe et est impliquée dans de nombreux autres activités criminelles, notamment le trafic d’armes, la fraude, le truquage d’offres publiques, la corruption, l’intimidation, l’extorsion et la criminalité environnementale ».

Les meurtriers. Ils seraient liés à des hommes du nom d’Antonino Vadala et de Carmine Cinnante, des membres présumés du clan calabrais, qui ont trouvé refuge dans l’est de la Slovaquie il y a plusieurs années pour échapper à la justice italienne. « Vadala a lancé avec succès une entreprise dans l’agriculture, puis dans l’immobilier et dans l’énergie, et est devenu l’une des figures les plus éminentes de la communauté italienne en Slovaquie », a écrit Ján Kuciak.

Le modèle. Son nom est Maria Trošková, elle est à la fois mannequin, en affaires avec le mafioso Antonino Vadala et assistante du Premier ministre Robert Fico. Elle s’est associée à l’Italien pour co-fonder et co-détenir la société slovaque GIA Management, qui opère tant dans l’immobilier, que la construction, l’emballage ou encore la photographie, avant de la quitter un an plus tard. C’est Viliam Jasaň, un ancien député du Smer-SD, aujourd’hui à la tête du département de gestion de crise et de sécurité de l’Etat, qui a présenté la jeune entrepreneuse au chef du gouvernement.

Robert Fico dans la tourmente

L’affaire est extrêmement embarrassante pour le gouvernement de Robert Fico et le Smer-SD – membre du Parti socialiste européen – déjà coupable d’avoir largement contribué à créer un climat de haine à l’encontre des journalistes. Mardi, le Premier ministre a tenu une conférence de presse pour défendre Maria Trošková et Viliam Jasaň contre les accusations dont ils font l’objet. Deux partis d’opposition, Liberté et Solidarité (SaS) et Les gens ordinaires (OĽaNO), ont réclamé la démission du ministre de l’Intérieur, Robert Kaliňák et du chef de la police, Tibor Gašpar.

Source : Aktuality.sk

Ján Kuciak, journaliste slovaque assassiné pour ses enquêtes

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