Annoncée en 2011, particulièrement mise en valeur ces derniers mois, la fameuse « ouverture vers l’Est » poursuivie par le gouvernement hongrois n’a en fait produit aucune évolution significative des échanges commerciaux avec les partenaires asiatiques de la Hongrie.
« Le succès de la Hongrie, c’est que rien n’a changé ». Le constat de Telex est sans appel : la part des économies dites « orientales » n’a « pas augmenté d’un pouce depuis dix ans », que ce soit dans la balance commerciale hongroise, ou dans les investissements directs étrangers en direction de la Hongrie. Les principaux partenaires économiques de la Hongrie ne sont pas asiatiques, mais européens.
La publication de Telex intervient alors que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur hongrois, mené par Péter Szijjártó, communique à grand renfort de déclarations et autres vidéos Facebook sur l’ouverture à l’Est de la Hongrie. De mars à avril, le ministre hongrois s’est rendu en visites officielles en Azerbaïdjan, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, au Tadjikistan et au Kirghizistan. Le Premier ministre Viktor Orbán l’a parfois accompagné, notamment pour inaugurer, à Tachkent, le premier centre de recherche hungaro-ouzbek de la pomme de terre.
La structure du commerce extérieur hongrois est, à quelques détails près, la même qu’en 2010, lors du retour du Fidesz aux commandes. Plus de 70% des exportations hongroises vont en direction de l’Europe, tandis que la Chine et les autres pays asiatiques n’en représentent même pas 5%.
La structure des investissements étrangers en Hongrie est elle aussi restée inchangée : 80% relèvent d’Européens ou, dans une moindre mesure, d’États-uniens.[1]Déterminer la « nationalité » d’un investissement ou d’un propriétaire reste une gageure : les firmes transnationales ont elles-mêmes divers propriétaires, et les investissements proviennent parfois de filiales basées à l’étranger ou dans des paradis fiscaux..
Au-delà des investissements vers la Hongrie, les annonces gouvernementales soulignent volontiers les investissements hongrois vers l’étranger. Mais là encore, les chiffres montrent que la tendance est en fait à la baisse : 80% des investissements hongrois à l’étranger sont en direction de l’Europe et seulement 10% vers l’Asie.
Lire : Le temps ne serait-il pas venu d’une ouverture à l’Ouest ?
Le rôle de la Chine toujours exagéré
La Chine, l’autre élément rhétorique principale dans la communication du gouvernement, n’est que le quatrième investisseur asiatique en Hongrie, derrière l’Inde, le Japon, et la Corée du Sud en tête. Cette tendance à l’exagération du rôle de la Chine n’est pas propre à la Hongrie : comme le souligne un rapport du Central and Eastern European for Asian Studies, les gouvernements tchèques et serbes surestiment l’importance des investissements chinois dans leur discours – ou du moins, leurs annonces ne se vérifient pas dans les chiffres disponibles au public.
Parler du rôle croissant des pays asiatiques est néanmoins pertinent si l’on analyse les investissements dans la région depuis les années 1990. Sur trente ans, l’importance relative des entreprises asiatiques dans la région a effectivement grandi. Il n’y a toutefois aucun élément permettant de révéler une corrélation entre la politique d’ouverture à l’Est hongroise et l’arrivée de nouveaux investisseurs.
Ateliers d’assemblage périphériques
Surtout, ces annonces très politiques éludent le cœur du problème : la Hongrie occupe, au mieux une place intermédiaire, sinon un rang inférieur dans la chaîne de valeur globale. Comme le souligne le média G7, les multinationales asiatiques, comme les occidentales, investissent en Hongrie afin de profiter de centres de production bon marchés sur le sol européen, qui vont procéder à de l’assemblage de produits intermédiaires. Les étapes finales de la production, génératrices de plus fortes plus-values et de salaires plus élevés, sans même parler de la recherche et développement, se font rarement en Hongrie.
Photo d’illustration : le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó à gauche, et son homologue pakistanais, Shah Mehmood Qureshi, à droite. (Source : Facebook)
Notes
↑1 | Déterminer la « nationalité » d’un investissement ou d’un propriétaire reste une gageure : les firmes transnationales ont elles-mêmes divers propriétaires, et les investissements proviennent parfois de filiales basées à l’étranger ou dans des paradis fiscaux. |
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