On dénombre seulement quelques milliers de Musulmans dans ce pays de 5,4 millions d’habitants et la Slovaquie ne se trouve pas non plus sur la route migratoire conduisant vers l’Allemagne et le nord de l’Europe. Mais cela n’empêche pas le gouvernement slovaque d’utiliser le levier politique très efficace qu’est la peur de l’Islam.
Bratislava, correspondance – C’est à la majorité des deux-tiers que le Parlement slovaque a approuvé, mercredi 30 novembre, un amendement à la loi sur la liberté de religion, devant entrer en vigueur au 1er janvier 2017. La loi sur la liberté de religion fixe le cadre législatif de la pratique religieuse et est garante des positions des différents clergés et entités religieuses à l’intérieur de la société, dans un pays à forte majorité catholique.
L’amendement en question prévoit de relever le nombre minimum des membres adultes à l’intérieur d’un mouvement religieux pour que celui-ci puisse espérer être inscrit au registre national, et ainsi obtenir une subvention de l’État et le droit à ouvrir des écoles confessionnelles. Ainsi, le seuil minimal de 20 000 fidèles actuellement en vigueur passera à 50 000. Il a été présenté par un député du Parti National Slovaque (Slovenská národná strana, SNS) en coalition gouvernementale dirigée par Robert Fico du SMER-SD (Smer – sociálna demokracia, parti à tendance social-démocrate). Le texte a été adopté par les députés de la coalition gouvernementale et soutenu par une partie de l’opposition.
Le texte a été présenté par le gouvernement comme une volonté de mieux contrôler les finances publiques, mais certains médias étrangers et commentateurs voient dans cet amendement une volonté du gouvernement de s’opposer à toute « islamisation » de la société. Comme pour confirmer cet objectif masqué, le parti d’extrême-droite Notre Slovaquie (Ľudová strana Naše Slovensko, LSNS) avait proposé de faire passer le seuil à 250 000 fidèles, ce qui aurait exclu de fait toute autre entité religieuse que la religion chrétienne. Cette proposition a toutefois été rejetée par le Parlement. Selon le dernier recensement de 2011, les Musulmans seraient 2 000 en Slovaquie, 5 000 selon les autorités religieuses, et ne possèdent aucune mosquée reconnue à ce jour dans le pays.
Un contre-coup de la crise migratoire de 2015
La position du gouvernement sur le sujet est claire depuis la crise migratoire de l’année dernière : Robert Fico avait érigé le pays comme un « rempart migratoire », en s’opposant avec ses partenaires du groupe de Visegrád aux quotas de relocalisation de migrants décidés par l’Union Européenne. En août 2015, il avait affirmé pouvoir accepter un nombre restreint de migrants, mais seulement de religion chrétienne, facteur, selon lui, d’une meilleure intégration dans le pays. Le ministre de l’Intérieur Robert Kaliňák avait aussi insisté sur la menace potentielle pour la sécurité du pays. Durant l’année 2016, les déclarations du chef du gouvernement Robert Fico à l’encontre de l’Islam ont été nombreuses : selon lui, la préservation de la culture locale implique de ne pas laisser s’installer des milliers de Musulmans qui feraient la promotion de leur culture. Cela irait à l’encontre « de l’essence du pays », selon ses mots. Ces déclarations avaient fortement déplu dans les rangs de la gauche européenne, le groupe socialiste au Parlement européen (PSE) ayant demandé des clarifications à Robert Fico, sans toutefois le sanctionner.
Cet amendement semble donc s’inscrire dans cette rhétorique anti-islam qui cimente la coalition au pouvoir depuis le mois de mars 2016, dans un pays où le parti d’extrême-droite ouvertement néo-nazi LSNS de Marian Kotleba a fait une percée à 8 % lors des dernières législatives. L’alliance gouvernementale avec les nationalistes du SNS oblige Robert Fico à s’ancrer à droite et cette mesure vient à le confirmer. Après tout, Andrej Danko, président du SNS et chef du parlement, n’a-t-il pas déclaré qu’il fallait « tout faire pour empêcher la construction de mosquées » en Slovaquie ? Dans une interview à l’agence Reuters, il déclarait vouloir interdire la burka et le niqab en public et interdire l’enregistrement de l’Islam comme communauté religieuse. Car, comme il aime à le dire, l’islamisation « commence avec un kebab ».
L’islamophobie de Robert Fico dérange le parti socialiste français ?