Au risque de déclencher une grave crise diplomatique, Budapest et Varsovie ont bloqué lundi le prochain budget de l’UE et le plan de relance de l’économie post Covid-19.
Ce n’était pas du bluff. Les gouvernements hongrois et polonais ont mis leurs menaces à exécutions en usant de leur droit de véto, ce lundi lors de la réunion des ambassadeurs des vingt-sept auprès de l’Union européenne.
Ils s’opposent à un mécanisme qui est en passe d’être adopté par l’Union européenne, qui permettra à celle-ci de couper les subventions à un État violant ses « valeurs », entendues comme l’État de droit, et à minima le respect de l’indépendance de la Justice, de la liberté de la presse et des minorités.
Conséquence de quoi, le plan de redressement de l’économie européenne durement frappée par la crise sanitaire, de 750 milliards d’Euros, ET le budget de l’Union pour la période 2021-27, sont bloqués.
La semaine dernière, le dirigeant hongrois avait fait connaître son intention de faire usage de son droit de véto, dans une lettre adressée aux dirigeants de l’UE. Il avait été imité par son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, qui mettait en garde d’un véto de Varsovie contre le mécanisme basé, selon lui, sur des critères « arbitraires » et « motivés politiquement » qui conduirait à un « deux poids deux mesures » entre États membres.
Les deux gouvernements se sont jurés soutien mutuel dans ce bras de fer qui les oppose à l’Union. Ils considèrent que ce mécanisme qui conditionne les fonds européens au respect de l’État de droit n’est pas un outil juridique, mais un levier politique au service de l’élite libérale pour se venger de la « contre-révolution conservatrice » qu’ils ont clamé mener en Europe.
Dimanche, Viktor Orbán et Angela Merkel se sont entretenus pendant une heure, ce qui n’a pas permis d’éviter le blocage lundi.
Par leur véto, le Fidesz et le PiS assument le risque de provoquer une crise diplomatique sérieuse en Europe. Ils risquent également de s’attirer l’inimitié durable des pays du sud de l’Europe, particulièrement touchés par la crise économique et donc les principaux bénéficiaires du plan de relance.
« Un veto hongrois peut-il conduire à une crise ? Je le répète : le fardeau de la responsabilité incombe à ceux qui sont à l’origine de cette situation malgré la position bien articulée de la Hongrie », a jugé le porte-parole du gouvernement vers l’international, Zoltán Kovacs. Selon lui, « ce n’est pas la Hongrie qui a changé sa position et sa position. Notre position a toujours été claire ».
Le parti libéral européen ALDE est particulièrement remonté. « Viktor Orbán dit en gros que si lui et sa famille ne peuvent pas voler les fonds européens, alors la Hongrie ne peut pas en profiter non plus », a twitté l’eurodéputée hongroise Anna Donáth. Le chef du parti, Guy Verhofstadt, ardent opposant de Viktor Orbán a, pour sa part, estimé que « Orbán & Kaczyński jouent avec la vie d’Européens menacés par le Covid […] simplement parce qu’ils veulent que l’UE finance leur pouvoir corrompu ».
Le chef du Parti populaire européen, Donald Tusk, autre détracteur virulent du Hongrois, qu’il essaie d’exclure sans succès du PPE, a réagi comme ceci : « Quiconque est contre le principe de l’État de droit est contre l’Europe. J’attends une position claire à ce sujet de la part de tous les partis du PPE. Les opposants à nos valeurs fondamentales ne doivent plus être protégés par personne ». Autrement dit, le véto hongrois peut éventuellement conduire à une exclusion du Fidesz du grand parti de la droite européenne.
Whoever is against the principle of the rule of law is against Europe. I expect a clear position on this from all the EPP parties. The opponents of our fundamental values should no longer be protected by anyone.— Donald Tusk (@donaldtuskEPP) November 16, 2020