Le Groupe de Visegrád, premier partenaire commercial de l’Allemagne, craint d’être fortement impacté par le ralentissement de l’économie allemande. « Des temps très durs arrivent », s’inquiétait publiquement Viktor Orbán cet été.
Avec une croissance bien supérieure à 3 % et un chômage inférieur à 5 %, les pays d’Europe centrale affichent des chiffres macro-économiques enviables par le reste du continent. Mais des nuages s’accumulent : outre la guerre commerciale que se livrent la Chine et les États-Unis et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les économies centre-européennes pourraient subir une forte diminution des fonds de développement de l’UE dans son prochain budget 2021-2027.
Mais ce qui les inquiète véritablement à l’heure actuelle, ce sont les nouvelles en provenance de Berlin, selon lesquelles la production industrielle allemande a fortement ralenti. Car ces difficultés de l’Allemagne se répercuteront mécaniquement sur le Groupe de Visegrád, pour la simple raison qu’il représente son principal partenaire commercial. Depuis 2017, le « V4 », qui rassemble la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie, échange en effet plus avec l’Allemagne que la Chine ou les États-Unis, selon l’analyse du groupe d’experts Center for European Reform. Dans chacun des pays du « V4 », les échanges avec l’Allemagne représentent plus de 20 % du total de leurs importations et exportations.
Daniel Hegedüs, chercheur au Fonds Marshall des États-Unis en Allemagne, rappelle dans une tribune que l’Allemagne avait été l’un des principaux partisans de l’élargissement de l’UE à ces pays en 2004, « car le projet lui était très profitable, du point de vue géopolitique et géoéconomique ». L’adhésion de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Hongrie à l’Union a permis l’intégration de leurs économies dans les chaînes d’approvisionnement de l’espace géoéconomique allemand, qu’il désigne même comme le « noyau manufacturier germano-centre-européen ».
« A mon avis, des temps très durs arrivent »
A la fin du mois de juillet à Băile Tuşnad en Roumanie, dans son discours annuel sur l’état du monde, le premier ministre hongrois Viktor Orbán s’inquiétait publiquement de ces nouvelles perspectives : « L’économie européenne va traverser une période difficile. A mon avis, des temps très durs arrivent. Nous devons nous préparer à une situation dans laquelle nos principaux partenaires, les pays d’Europe occidentale, ne se développent pas ou pas aussi bien que nous le souhaiterions ».
La région d’Europe centrale serait impactée par deux biais, explique Pawel Bukowski, économiste à la London School of Economics : une diminution de la demande allemande pour les biens échangeables et une baisse des investissements. Or, explique-t-il, « les IDE allemands sont essentiels pour les pays du V4, car ils apportent des emplois et de la technologie dans la région, entraînant une hausse de la productivité et sa prospérité à long terme ». Toutefois, il estime que ces pays ont les moyens de faire face aux secousses à venir, du fait de la robustesse de leur croissance : « les pays du V4 traversent une période de forte croissance économique, qui a été alimentée par la croissance de la demande intérieure, renforcée par la forte hausse des salaires réels, l’expansion de programmes sociaux redistributifs et les fonds de l’UE ».
L’automobile, le maillon faible
La situation n’est pas uniforme, souligne l’économiste. Contrairement à la Slovaquie, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie qui n’ont pas adopté l’euro gardent une marge de manœuvre monétaire et la possibilité de dévaluer leur monnaie pour stimuler les exportations. La Pologne est aussi moins vulnérable aux secousses mondiales du fait de son marché intérieur plus important, alors que « les économies hongroise et slovaque pourraient être rattrapées par les difficultés des constructeurs automobiles allemands, en raison de la récession, mais aussi du passage progressif aux voitures électriques ». La dépendance à l’industrie automobile, voilà le point faible de la Hongrie et plus encore de la Slovaquie, où la production industrielle a déjà commencé à ralentir…