Les terroristes qui ont mené des attaques à Paris le 13 novembre 2015 avaient pénétré incognito dans l’Union européenne quelques semaines plus tôt, en se fondant dans le flux des migrants qui passait par la Hongrie.
Salah Abdeslam, seul survivant du commando islamiste qui a mené des attaques à Paris le 13 novembre 2015, a convoyé la plupart des terroristes depuis la Hongrie, véritable plaque tournante logistique entre la « Route des Balkans » et l’Europe de l’Ouest.
Entre le 30 août et le 2 octobre 2015, il a effectué trois allers-retours entre la Belgique et la Hongrie, et un vers l’Allemagne, convoyant dix terroristes jusqu’à Bruxelles dans des voitures de location.
Ses complices s’étaient fondus dans la foule des migrants qui empruntaient à la même époque la « Route des Balkans », remontant par le Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie et la Hongrie, porte d’entrée dans l’Union européenne et l’espace de libre circulation de Schengen.
À la demande des autorités françaises, le contre-terrorisme hongrois (TEK) a enquêté sur le parcours et les éventuelles complicités dont aurait bénéficié Salah Abdeslam, qui sera sur le banc des accusés à partir du 8 septembre.
Alors que la crise des réfugiés battait son plein, Abdeslam était chargé de récupérer ses complices aux abords de la gare internationale de Budapest. Ces derniers s’étaient infiltrés dans la zone Schengen par la frontière entre la Hongrie et la Serbie, dissimulés parmi les flots de migrants.
Parmi eux, il y avait les trois membres du commando du Bataclan – Omar Ismaël Mostefaï, Mohamed Foued-Aggad et Samy Amimour – récupérés par Abdeslam, le 17 septembre 2015.

30 août 2015 : Bilal Hadfi et Chakib Akrouh
Le premier voyage de Salah Abdeslam en Europe centrale vise à récupérer Bilal Hadfi, un des kamikazes du Stade de France, et Chakib Akrouh, qui participera à la tuerie des terrasses parisiennes avant de se faire exploser le 18 novembre lors de l’assaut du RAID contre un appartement de Saint-Denis. Les deux hommes sont arrivés en Hongrie le 25 août.
Le 30 août, Salah Abdeslam se rend à Kiskorös, située une cinquantaine de kilomètres au nord de la frontière serbe, au volant d’une BMW de location et transporte les deux faux migrants en Belgique.
Les services hongrois ont retrouvé un de leurs téléphones abandonné dans une forêt proche de Kiskörös. « D’après les données retrouvées dans ce téléphone, il est établi que les mouvements et les activités des terroristes en Europe étaient pilotés depuis le quartier général de l’EI en Syrie », expliquent-ils.
9 septembre 2015 : Belkaïd et Laachraoui
Pour son second voyage en Hongrie, le 9 septembre, Salah Abdeslam délaisse la BMW de sa première virée pour louer une Mercedes. Sur le parking de la gare de Keleti, à Budapest, il récupère Mohamed Belkaïd et Najim Laachraoui, qui l’attendent depuis près d’une semaine.
Le jour même, le véhicule est contrôlé sur une autoroute autrichienne à hauteur d’Aistersheim. Les deux djihadistes venus de Syrie, qui voyagent sous de fausses identités (Soufiane Kayal et Samir Bouzid), ne sont pas inquiétés. Mohamed Belkaïd sera tué le 15 mars 2016 par les policiers belges lors de l’assaut contre une planque du quartier bruxellois de Forest. Najim Laachraoui se fera exploser quelques jours plus tard à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, le 22 mars.
17 septembre 2015 : Les kamikazes du Bataclan
Pour son dernier voyage en Hongrie, Salah Abdeslam opte pour une Audi A6. Il passe récupérer trois hommes, le 17 septembre, à la gare ferroviaire de Keleti. Il s’agit du commando français du 13-Novembre : Ismaël Omar Mostefaï, Samy Amimour et Foued Mohamed-Aggad. Ces derniers tueront deux mois plus tard 90 personnes dans la salle de spectacle du Bataclan.
Les trois hommes étaient arrivés en train à Budapest quelques jours plus tôt, le 9 septembre. Selon les services hongrois, ils ont voyagé par la route des Balkans sous les identités respectives de Salah Jamal, Husein Alkhlf et Fooad Moosa, et ont passé huit jours au Grand Park Hotel de Budapest. Le 16 septembre, Ismaël Omar Mostefaï avait retiré 1 000 euros envoyés depuis la Belgique au bureau Western Union de la gare de Keleti, sous l’identité de Salah Jamal.
2 octobre 2015 : Krayem, Ayari et Alkhald
Le quatrième et dernier voyage de Salah Abdeslam le mène à Ulm, en Allemagne. Dans la nuit du 2 au 3 octobre, il y récupère à bord d’une BMW de location trois hommes : Osama Krayem, Sofiane Ayari et Ahmed Alkhald. Les deux premiers seront interpellés en Belgique après les attentats du 22 mars 2016. Le troisième s’est volatilisé.
Selon une enquête publiée par « L’Express », il est arrêté par la police hongroise le 1er novembre 2015, à bord d’un train Budapest-Belgrade, puis transféré le 9 novembre dans le camp de réfugiés de Bicske, près de Budapest. Il s’évapore quelques heures plus tard et se présente dans un centre d’accueil pour réfugiés à Vienne. Le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats à Paris, il prend un vol Vienne-Istanbul, puis une correspondance pour Ankara.