Le Kremlin a-t-il voulu se débarrasser de Zdeněk Hřib, le maire de Prague ? « Nous ne laisserons certainement pas de grandes puissances étrangères influencer de quelque manière que ce soit nos affaires politiques », a réagi le chef du gouvernement Andrej Babiš.
Zdeněk Hřib, un médecin de trente-huit ans, porté à la mairie de Prague par le Parti Pirate au mois de novembre 2018, a-t-il été la cible d’une tentative d’assassinat par les services secrets du Kremlin ?
Il a reconnu lundi vivre sous protection policière depuis Pâques.
Dans une interview avec le journal allemand Deutsche Welle, le jeune édile raconte avoir déposé plainte auprès de la police au début du mois de mars après avoir remarqué être suivi aux abords de son domicile. « C’était une personne qui se comportait de manière bizarre », dit-il, sans pouvoir révéler plus de détails, sur recommandation de la police.
Le jour d’avant, dimanche, le journal hebdomadaire Respekt avait révélé l’information selon laquelle une personne munie de papiers diplomatiques russes était arrivée à Prague trois semaines plus tôt, dans le but d’assassiner Hřib ainsi qu’un autre politicien tchèque, Ondřej Kolář. Selon le journal, qui s’appuie sur des sources au sein des services de renseignement tchèques, l’assassin portait avec lui une valise contenant de la ricine, un poison mortel.
« La Russie a nié vouloir me tuer ou d’autres politiciens tchèques, mais je considère le danger comme réel ».
Des conflits locaux qui avaient irrité Moscou
Ces deux politiciens tchèques ont récemment été partie prenante dans des conflits impliquant la Russie. Hřib s’était prononcé en faveur du changement de nom de la place où se trouve l’ambassade de Russie en place « Boris Nemtsov », en mémoire de l’opposant notoire à Vladimir Poutine, assassiné le 27 février 2015 à Moscou. Quant à Ondřej Kolář, le maire du 6e arrondissement de la capitale, il a été l’un des principaux artisans du déboulonnage d’une statue à la gloire du maréchal Ivan Koniev, porté au titre de Héros de l’Union soviétique pour son rôle dans l’Armée rouge au cours de la seconde Guerre mondiale.
Les relations entre Prague et Beijing ont elles aussi tournées au vinaigre depuis l’arrivée à la mairie du maire pirate. Zdeněk Hřib avait demandé à révoquer la clause d’un accord bilatéral avec la ville de Beijing reconnaissant la Chine unique (incluant le Tibet).
Zdeněk Hřib a-t-il fait l’objet d’une tentative d’assassinat par les services secrets russes ? Le porte-parole de Vladimir Poutine a qualifié l’information de « fausse ». « Nous ne savons rien du tout de cette enquête », a-t-il déclaré lundi.
Côté tchèque, le chef du gouvernement a réagi mardi soir : « Nous sommes un État souverain et nous ne laisserons certainement pas de grandes puissances étrangères influencer de quelque manière que ce soit nos affaires politiques. […] Il n’est pas possible – si cela est avéré – qu’un État étranger mène ici chez nous des opérations contre nos citoyens », a déclaré Andrej Babiš, rapporte Radio Prague.
La Russie s’est officiellement plainte de l’article de Respekt auprès du ministère tchèque des Affaires étrangères. Les diplomates tchèques ont cependant rejeté les reproches de Moscou en leur rappelant que la liberté d’expression règne en Tchéquie. Le premier ministre tchèque Andrej Babiš a déclaré que la Tchéquie est un état souverain et que l’ingérence dans ses affaires internes ainsi que des attaques contre ses citoyens étaient inacceptables. Pour le moment, la partie tchèque ne prévoit pas de mesures de représailles envers le Kremlin, tel qu’un renvoi de l’ambassadeur russe.
« La Russie a nié vouloir me tuer ou d’autres politiciens tchèques, mais je considère le danger comme réel », a déclaré le maire de Prague dans son interview avec Deutsche Welle. « Il est très important pour moi de soutenir mon pays, la République tchèque, en tant que pays démocratique, même si je risque ma vie. En tant que politicien élu, il est de mon devoir de protéger la liberté d’expression, non seulement pour moi, mais aussi pour tous les autres citoyens ».
Sur un ton beaucoup plus léger, il a adressé ce message sur facebook : « Vous avez peut-être remarqué dans les médias que je suis maintenant sous protection policière. Nous ne prenons pas ça à la légère. Et c’est pourquoi nous avons engagé quelques sosies. Grâce à ça, vous entendrez encore plus parler de moi parce que la productivité sera multipliée ».