Les Polonais à nouveau dans la rue contre le démantèlement de la justice

Des milliers de Polonais s’opposent dans la rue aux vastes réformes de la Justice menées par le gouvernement national-conservateur du PiS. Ils dénoncent une mise au pas de la Justice et veulent lutter contre le « démantèlement de la séparation des pouvoirs ».

« Honte ! », « Liberté pour les tribunaux ! ». Des manifestations de plus en plus massives se déroulent dans la plupart des grandes villes du pays depuis une semaine. Plusieurs milliers de personnes ont protesté à Varsovie, Cracovie, Poznań, Wrocław, Gdańsk et dans une dizaines d’autres villes les plus importantes de la Pologne. Ces défenseurs auto-proclamés de la Constitution critiquent les décisions de la Diète, du Sénat et du président Duda.

L’origine du mouvement, de nouvelles réformes qui touchent la Cour Suprême, le Conseil national de la magistrature et le Parquet, dont l’objectif affiché est d’« accélérer et de parfaire la procédure de nomination des juges par le Conseil national de la magistrature, notamment des juges de la Cour Suprême ». Elle a été votée par la Diète le 20 juillet, approuvée par le Sénat dans la nuit du 24 au 25, puis ratifiée par le président Andrzej Duda le 26, « sans aucune hésitation », comme l’a fait savoir la chancellerie.

L’opposition parlementaire et un nombre important de citoyens s’inquiètent de l’impact de ces changements. Ceux-ci « limitent l’indépendance de la Cour Suprême » et mènent à ce que « la séparation des pouvoirs en Pologne ne soit plus en vigueur », souligne la vice-présidente de la Diète, Małgorzata Kidawa-Błońska (Plate-forme civique, PO).

La vice-présidente de la Diète assure également que les manifestations « ont un sens », concédant qu’elles ne permettront pas de mettre un coup d’arrêt à la mise au pas de la justice voulue par le PiS. Il s’agit, selon elle, « de convaincre les gens qu’il ne faut pas rester à la maison un jour d’élections, et aller voter, que ce soit aux élections locales, européennes et parlementaires ». L’on comprend ainsi que, pour l’opposition, il s’agit essentiellement d’un tour de chauffe avant les élections locales de cet automne. La vice-présidente de la Diète rappelle aussi la nécessité de punir ceux qui enfreignent la Constitution et « détruisent consciencieusement l’Etat de droit en Pologne ».

La police dénonce son utilisation à des fins politiques

Au cours d’une manifestation sous le Palais présidentiel à Varsovie, jeudi 26 juillet, un groupe des citoyens a pris part à des affrontements avec les forces de police sécurisant le rassemblement. Les manifestants assurent avoir subi une attaque au gaz lacrymogène de la part des fonctionnaires de police. Le porte-parole de la police de la capitale réplique que les policiers ont agi conformément à la loi, et que le gaz aurait été d’abord utilisé contre des manifestants agressifs. Le vice-ministre de l’Intérieur, Jarosław Zieliński, a traité les manifestants de « bandits » et d’« aventuriers ».

Dans l’opposition parlementaire, la Plate-forme civique a demandé au ministre de l’Intérieur Joachim Brudziński d’expliquer la situation, considérant que « l’on ne peut utiliser les forces de police d’une façon politique, inadéquate, afin d’entraver la liberté d’expression et de manifester ». Le parti Nowoczesna a annoncé son intention de saisir le parquet.

Ces manifestations interviennent alors que les forces de police traversent une crise. Les syndicats qui ont déjà suivi une grève au cours des dernières semaines afin de réclamer des moyens supplémentaires (Varsovie seule manquerait de 800 fonctionnaires de police) et des salaires plus élevés. Dans ce contexte tendu, des syndicats ont mis en garde le ministre de l’Intérieur contre une utilisation politique des forces de l’ordre.

Photo : page facebook du Comité de défense de la démocratie (Komitet Obrony Demokracji, KOD)

Przemysław Kossakowski

Doctorant à l'Institut de Philologie romane de l’Université de Gdańsk, traducteur.

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