Les Quatre de Visegrád font craquer Sarkozy

EU observer a révélé qu’à l’issue du dernier sommet européen en octobre dernier, le Président français, Nicolas Sarkozy, avait mis en garde les pays du groupe de Visegrád (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie), le « V4 », pour s’être réunis avant le sommet.

« S’ils doivent se réunir régulièrement avant chaque Conseil, ça va poser question » a-t-il déclaré, avant de tempérer « Ce n’est pas encore le cas ». Il semblerait que Nicolas Sarkozy s’irrite de la coopération des anciens pays du bloc de l’Est et de leur capacité grandissante à faire entendre leur voix, au détriment du traditionnel axe franco-allemand. La Pologne est particulièrement dans l’oeil du cyclone, pour avoir pris la tête des neuf pays qui ont fait capoter un accord sur les conséquences financières du «changement climatique» lors du dernier sommet européen.

Les pays du groupe de Visegrád s’étaient effectivement réunis au mois de mars dernier, en amont d’un sommet sur la crise financière, puis une seconde fois, juste avant le dernier sommet européen, pour « accorder leurs violons » sur les questions climatiques et institutionnelles.

Réagissant aux propos du locataire de l’Elysée, un diplomate polonais a condamné une politique à « deux poids, deux mesures ». En effet, la France et l’Allemagne se réunissent systématiquement avant les rencontres européennes pour harmoniser leur position, qu’ils imposent par la suite aux autres Etats de l’UE. Les pays du Benelux (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas), l’alliance nordique (Finlande et Suède) et les deux pays de la péninsule ibérique consolident ensemble leurs arguments avant chaque sommet. Pourquoi les Etats d’Europe centrale se verraient privés de la possibilité de négocier entre eux au sein du groupe de Visegrád ?

La France « à l’Ouest »

Il faut avouer que les relations diplomatiques entre la France et l’Europe centrale sont parfois « compliquées ». La France a considéré avec suspicion l’élargissement de l’Union Européenne aux pays d’Europe centrale, car pour elle, cela signifiait un déplacement du barycentre européen vers l’Est et donc un retour de l’Allemagne en position centrale de l’Europe. L’Allemagne ne cachait d’ailleurs pas son envie de voir entrer au plus vite dans l’Union les pays qui constituaient sa Mitteleuropa, son espace d’influence.

La « crise iraquienne » de 2003 avait été l’occasion pour les Etats-Unis et leur secrétaire à la Défense Donald Rumselfd de diviser les Européens et d’enfoncer un pieu entre une « vieille Europe » et une « nouvelle Europe ». Le président français d’alors, Jacques Chirac, ne s’était pas privé pour tomber dans le piège américain et tancer les pays de cette « nouvelle Europe rumsfeldienne », la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, qui avaient affiché leur soutien à la « diplomatie » américaine en Irak. « Ces pays ont perdu une bonne occasion de se taire ! », avait-il alors lancé.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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