L’économie polonaise à la merci d’un exode de travailleurs ukrainiens

La levée des obligations de visa en Allemagne pour les Ukrainiens pourrait avoir de lourdes conséquences chez le voisin polonais. Des centaines de milliers de travailleurs pourraient quitter la Pologne, tentés par de meilleurs salaires plus à l’Ouest.

Selon le Syndicat des Entrepreneurs et des Employeurs polonais (ZPP)[1]Związek Przedsiębiorców i Pracodawców., le marché du travail et toute l’économie polonaise pourraient bientôt entrer dans une zone de turbulences. Il craint en effet que la main-d’œuvre immigrante, dont la part n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années en Pologne, ne s’apprête à quitter le pays, à la recherche de meilleures conditions de travail dans les pays occidentaux.

En effet, leur nombre est à la baisse depuis le mois de juin 2017, lorsque les États de l’Union Européenne, au premier rang desquels l’Allemagne, ont levé l’obligation de visa pour les citoyens ukrainiens. Or, ce sont eux qui constituent le gros de la main-d’œuvre étrangère en Pologne. Ils sont très présents dans les secteurs électrique, mécanique, de la construction et occupent les petits boulots physiques et mal rémunérés, desquels les Polonais se sont détournés.

Pour le moment, la levée des obligations de visa ne concerne que les voyageurs d’affaires, de tourisme et de famille, et leur droit de séjour est limité à quatre-vingt-dix jours tous les six mois. Mais l’Allemagne, la République Tchèque et la Slovaquie se préparent aujourd’hui à lever plus  de restrictions, pour faire venir des milliers d’immigrants de l’Est et renforcer des marchés du travail qui manquent de bras. Et leurs arguments ne sont pas faibles, avec des salaires moyens significativement plus élevés qu’en Pologne, de l’ordre de 20 à 30 % en Tchéquie et en Slovaquie. Les voisins de l’Ouest et du Sud de la Pologne envisagent également des programmes d’assimilation et des cours des langues pour les nouveaux employés.

Selon le syndicat ZPP, l’économie polonaise pourrait difficilement absorber un tel choc. Ses experts anticipent que l’ouverture des marchés du travail occidentaux aux Ukrainiens pourrait coûter à la Pologne plus d’un demi-million de travailleurs qui assurent 1,6 % de son PIB. Il suffit de rappeler qu’en 2017, neuf cent mille Ukrainiens environ séjournaient en Pologne, dont quatre cent vingt-cinq mille payaient leurs impôts dans ce pays.

L’enjeu n’est rien de moins que l’essor de l’économie polonaise, voir même son maintien au niveau actuel. Selon le Conseil National de la Démographie[2]Narodowa Rada Ludnościowa., pour que la Pologne puisse maintenir son niveau de croissance actuel, il lui faudrait accueillir cinq millions de travailleurs immigrés, pour une population totale avoisinant les quarante millions. Dans ce contexte, il est évident que l’intérêt pour des groupes importants d’immigrés économiques, facilement assimilables, va s’accroître.

Notes

Notes
1 Związek Przedsiębiorców i Pracodawców.
2 Narodowa Rada Ludnościowa.
Przemysław Kossakowski

Doctorant à l'Institut de Philologie romane de l’Université de Gdańsk, traducteur.

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