La ville de Gdańsk célèbre depuis quelques jours le trentième anniversaire des premières élections libres de l’après-communisme en Pologne. Le parti PiS au pouvoir a choisi de snober les festivités.
Plusieurs milliers de Polonais se sont rassemblés aujourd’hui en fin d’après-midi dans la ville portuaire de Gdańsk pour célébrer les trente ans des premières élections libres, le 4 juin 1989. Les cérémonies organisées ces derniers jours par la municipalité Plateforme civique (PO) ont été snobées par le parti Droit et justice (PiS) au pouvoir. Plusieurs figures de l’opposition, dont Donald Tusk et Lech Wałęsa, en ont d’ailleurs profité pour politiser le moment, à quelques mois des élections législatives de cet automne.
« Une révolution polonaise sans effusion de sang est une excellente raison d’être fiers. Aujourd’hui, cependant, nous devons nous rappeler que cela aurait pu se produire de manière complètement différente, tout comme en Chine », a déclaré en préambule la présidente PO de Gdańsk, Aleksandra Dulkiewicz, en référence à la répression sanglante sur la place Tiananmen. Multipliant les analogies entre la période communiste et le PiS au pouvoir, l’édile locale a profité de sa tribune pour mobiliser les électeurs d’opposition à quelques mois des prochaines élections législatives. « Je sais qu’ensemble nous pouvons changer la Pologne », s’est-elle notamment exclamée devant un public entièrement acquis.
« Nous avons accompli des choses incroyables ensemble », a déclaré pour sa part Lech Wałęsa, co-fondateur de Solidarność et meneur des grèves des chantiers navals de Gdańsk en août 1980. « Notre génération a cependant fait la moitié de la tâche, la suivante appartient à la nouvelle génération », a ajouté l’ancien chef de l’État et premier président de la république de la Pologne post-communiste.
« Nous sommes tous les hôtes de Paweł Adamowicz »
Prenant la parole après les discours de plusieurs maires de grandes villes, Donald Tusk est sans doute celui dont le propos était le plus attendu. « Gdańsk est ma place sur Terre », a lancé l’ancien premier ministre PO, natif de la cité. Le président du Conseil européen, interdit par ses fonctions de s’immiscer dans les affaires internes des États membres de l’UE, a placé son intervention sous le patronage de feu Paweł Adamowicz, président de la ville depuis 1995 et assassiné en novembre dernier par un déséquilibré. « Nous sommes tous les hôtes de Paweł Adamowicz, qui est avec nous aujourd’hui. Son idée était que nous nous réunissions tous ici aujourd’hui. Sa vie et sa mort tragique parlent mieux de notre histoire et de notre présent que n’importe quel discours », a-t-il lancé, solennel.
Figure spectrale de l’opposition polonaise, l’ancien chef de la Plateforme civique a exhorté les partis politiques polonais à surmonter leurs divisions. « Si vous réussissez à convaincre tout le monde de votre courage et de votre bonne volonté, alors vous pouvez gagner », a conclu Donald Tusk dans une référence à peine voilée à l’opposition.
Incident entre Aleksandra Dulkiewicz et Mateusz Morawiecki
Grand absent de ces célébrations, le PiS n’a pas souhaité s’associer aux festivités organisées à Gdańsk, en raison de sa lecture très controversée des élections du 4 juin 1989. Les dirigeants du parti national-conservateur affirment depuis les années 1990 que les pourparlers de la Table ronde, quelques mois avant, ont été en réalité une trahison d’une partie des cadres de Solidarność car ils auraient garanti aux communistes du Parti ouvrier unifié polonais (PZPR) la préservation de leur pouvoir et de leur influence durant les années de transition.
Lors d’un déplacement hier dans la cité baltique, le premier ministre Mateusz Morawiecki a ouvertement ignoré la présidente de la ville Aleksandra Dulkiewicz, venue à sa rencontre pour le saluer.