Assiste-t-on à une révolution de palais au sein du Smer-SD après son piètre résultat aux élections européennes samedi 25 mai ? Si elle aboutit, la Slovaquie pourrait tourner la page Fico, l’homme fort du pays depuis plus d’une décennie.
C’est un contrecoup direct des élections européennes. Après avoir été contraint de démissionner de la tête du gouvernement l’année dernière, emporté par « l’affaire Ján Kuciak », le journaliste assassiné, Robert Fico fait face à une fronde au sein du parti qu’il a fondé il y a vingt ans.
Mardi après-midi, trois jours après la déroute du parti au pouvoir, battu par ses adversaires centristes, le journal Denník N a révélé un document interne dans lequel des représentants de la section de Košice du Smer-SD réclament la démission de Robert Fico de la présidence du parti.
Ils y font part de leur exaspération face à une direction qui ne les écoute pas, critique sa gestion de la crise politique et sociale déclenchée au printemps 2018 par l’assassinat de Ján Kuciak et de sa compagne, dénoncent les affaires de corruption qui éclaboussent des membres du parti, et plus généralement la désaffection des membres et les mauvais résultats électoraux.
Les frondeurs appellent également à la démission de Robert Kaliňák, l’ancien ministre de l’Intérieur qui a lui aussi fait les frais de l’assassinat de Ján Kuciak. Mieux, ils appellent l’actuel premier ministre, Peter Pellegrini, à prendre la relève et à assumer la présidence du parti.
Ce dernier s’en est rapidement expliqué, niant avoir orchestrée une manœuvre de déstabilisation visant Robert Fico, mais soutenant l’initiative des frondeurs : « Sans membres, aucun parti ne peut fonctionner. Il est donc tout à fait normal que, dans un parti comme , qui compte un si grand nombre de personnes, les députés aient le droit d’exprimer leurs points de vue et je me réjouis du fait que les membres souhaitent également discuter de l’avenir du parti. »
Une personnalité clivante, accusée de dérive populiste
Il ne s’agit pas d’une tempête dans un verre d’eau. C’est la première fois que Robert Fico se trouve confronté à une telle défiance au sein de sa propre formation, relève le quotidien SME.
Tout dans son style et sa rhétorique, particulièrement agressive à l’endroit des migrants et plus encore des journalistes, le rapproche de Marine Le Pen, comme le notait un ancien membre éminent du parti, l’eurodéputé Boris Zala, récemment interrogé par Le Courrier d’Europe centrale.
« Robert Fico entraîne le parti dans des eaux conservatrices de droite, comme s’il cherchait à imiter Viktor Orbán », nous expliquait Boris Zala. « Je regrette que pas plus de membres du parti ne s’y opposent, mais j’ai également vu des attitudes alternatives ces dernières semaines, en particulier celle du Premier ministre Peter Pellegrini ». Ce dernier, selon Zala, représente le courant social-démocrate et libéral de gauche encore très actif au sein du Smer-SD.
Le Smer-SD n’a recueilli que 16 % des voix samedi 25 mai, son pire résultat à une élection européenne. Il s’est fait devancer par la coalition centriste Slovaquie progressiste, le parti que la présidente élue Zuzana Čaputová a quitté pour assumer sa fonction (à partir du 15 juin) et le parti Ensemble (SPOLU), qui a totalisé 20 % des voix.
Il est encore trop tôt pour annoncer la mise hors-jeu de Robert Fico, mais celui-ci semble ne plus avoir beaucoup de branches auxquelles se raccrocher pour stopper sa chute.
Boris Zala : « La rhétorique de Robert Fico est proche de celle de Marine Le Pen »