Le président polonais Andrzej Duda a violemment réagi, vendredi 17 janvier, aux critiques de plusieurs organisations internationales concernant les dernières réformes du système judiciaire en Pologne, rejetées le même jour par le Sénat.
« Ils ne nous imposeront pas […] le système que nous devons avoir en Pologne, ni comment les affaires polonaises doivent être conduites », a déclaré Andrzej Duda, lors d’un discours à Zwoleń, une petite ville de quelques milliers d’habitants située en Mazovie, dans le sud-est du pays. « Oui, ici c’est l’Union européenne, mais c’est d’abord la Pologne », a-t-il poursuivi dans son meeting de campagne pour les présidentielles. Ces élections doivent se tenir plus tard au printemps et M. Duda est le candidat du PiS, le parti au pouvoir, à sa propre succession.
« Malgré les attaques contre les autorités, en Pologne et depuis l’étranger, malgré les interventions étrangères… cette réparation de la justice sera effectuée. » Le président a poursuivi sa diatribe en s’en prenant à des « élites judiciaires » plus intéressées selon lui à « appeler à la vengeance » qu’à proposer un « programme constructif de réforme du système judiciaire » et en tonnant que « les moutons noirs parmi les juges doivent être éliminés ».
« Les moutons noirs parmi les juges doivent être éliminés ».
Cette sortie de route de la part de la plus haute autorité de l’État polonais intervient en réaction aux vives critiques vis-à-vis du nouveau régime disciplinaire que le Droit et Justice (PiS) veut imposer aux juges. Ce règlement permet de sanctionner les magistrats qui s’opposent aux réformes judiciaires en cours, jusqu’à entraîner leur licenciement. La Commission de Venise du Conseil de l’Europe, la Commission et le Parlement européens, et l’OSCE, ont critiqué de concert cette nouvelle mesure « bâillon » qui va à l’encontre de l’indépendance de la justice, déjà fort mise à mal par une série de lois.
Duda ratifiera-t-il ?
Vendredi, le Sénat, correspondant à la chambre haute du Parlement, contrôlée par l’opposition, a rejeté le projet de loi. Il sera donc renvoyé à la Diète, la chambre basse, où le PiS est majoritaire. Celle-ci pourrait théoriquement faire adopter le projet de loi dans sa forme actuelle, donc sans tenir compte des remarques du Sénat. Il restera alors à voir si, dans la droite ligne de ces fracassantes déclarations, le président Duda résistera à la forte pression internationale qui s’exerce actuellement sur le gouvernement polonais et ratifiera la loi.
L’Association des juges polonais « Iustitia » a exprimé sa forte condamnation des propos du président, estimant que celui-ci mène une campagne de haine dirigée contre les juges qui aboutirait aboutir à des actes de violence à leur encontre. Sans doute ont-ils en tête le meurtre du maire de Gdańsk, Paweł Adamowicz, dont le premier anniversaire a été commémoré dans la cité portuaire la semaine dernière. Le 11 janvier, des centaines de juges polonais, rejoints par des juges d’autres pays de l’Union européenne, ont protesté en robe noire à Varsovie.
En Pologne, « le fossé qui sépare les deux camps ne cesse de croître », alerte Konrad Szołajski