La communauté rom de Hongrie a commémoré, dimanche 2 août, la « Journée internationale de l’holocauste Rom » dans une certaine discrétion.
A Budapest, les quelques plaques commémoratives du centre-ville ont cependant été très fleuries et une cérémonie eût lieu dans l’après-midi. Quelques heures plus tard dans la nuit suivante, un drame beaucoup moins discret venait perturber le recueillement de cette communauté qui vit des jours sombres depuis plusieurs mois : une personne d’origine rom était à nouveau assassinée, cette fois dans le Nord-Est du pays.
« Gusztáv Farkas, 23 ans », « Ibolya Horváth, 18 ans », « Dezső Lakatos, 35 ans ». Dans le Parc Nehru au bord du Danube, une voix énumère au micro une liste de noms. Ceux des Roms de Hongrie morts suite aux déportations et persécutions des nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Plusieurs centaines de personnes, presque exclusivement d’origine rom, se sont rassemblées pour rendre hommage aux victimes, mais aucun poids lourd de la politique hongroise n’a fait le déplacement pour assister à cette commémoration. Le gouvernement a tout de même envoyé symboliquement un représentant sur place pour y prononcer quelques mots. Il convient de rappeler ici qu’aujourd’hui, la Hongrie est le pays où la communauté rom est, en proportion avec son nombre total d’habitants, la plus forte du monde.
Un nombre de victimes qui fait débat
Combien de noms contiendrait la liste de déportés tsiganes? Combien ont été tués exactement, même approximativement, dans cet holocauste? Nul ne le sait. Plusieurs milliers au bas mot. Certains avancent le nombre de 70.000 personnes (Human Rights Watch), tandis que d’autres estiment à l’opposé qu’ils n’ont été « que » 5.000 (László Karsai, Scientia Hungariae). L’évaluation « officielle » montre tout de même qu’au cours de la seconde guerre mondiale, plus de 500000 Roms ont péri, soit un tiers des Roms européens. Mais là encore, les chiffres sont très incertains. Durant l’Holocauste, la tentative d’extermination du peuple tzigane ne s’est cependant pas « limitée » à la simple mise à mort de ses ressortissants : dans certains pays comme la Pologne, la Norvège, la Suisse ou encore la Suède, des mesures de stérilisation forcée avaient été établies afin de réduire leur nombre.
Pendant ce temps là, au Nord-Est du pays…
Aladár Horváth, le chef de la Fondation civique des Roms, a profité de la cérémonie pour exprimer les craintes de sa communauté devant la résurgence d’une droite radicale anti-Rom et a estimé que cette minorité vivait les pires heures de son histoire depuis que la Hongrie est devenue démocratique. Il ne croyait pas si bien dire… Quelques heures plus tard, il se rendait à Kisléta sur les lieux de l’assassinat par balles d’une femme rom de 45 ans. Sa fille âgée de 13 ans a été également grièvement blessée. La police n’a pas écarté la piste d’un acte de violence à motivation raciste, mais celui-ci n’est pas pour autant établi. Cet assaut intervient après une vague de violences et de crimes très inquiétante en moins d’un an, ciblée à l’encontre des Roms de Hongrie, qui se disent ségrégés et très appauvris par l’indifférence générale de leurs concitoyens.
Les graves événements récents de Kiszalök, Tatárszentgyörgy, Nagycsecs, Pécs et Alsózsolca sont d’ailleurs toujours restés impunis, malgré l’intervention des agents du FBI américain venus superviser le travail des policiers hongrois, soupçonnés par certains de s’en laver les mains. La nature de toutes ces attaques porte cependant à croire que cela doit venir d’un groupe organisé, familier des armes à feu et particulièrement remonté contre les gitans. Lundi, après le drame de Kisléta, sans pour autant avoir de preuves tangibles contre un quelconque groupe d’extrême droite, les représentants de la communauté rom ont menacé de faire appel à la protection des Nations-Unies si les autorités hongroises échouaient encore à les protéger. Pour la majorité d’entre-eux, c’est bien sûr la magyar garda qui est coupable de ces crimes et responsable de la terreur dans laquelle ils vivent.
Un coup dans le dos des « experts » US ?
Ayant été sollicités par les autorités hongroises pour reconnaître les auteurs des attentats anti-Roms depuis deux ans, manifestement en vain, le FBI était pourtant optimiste quant à faire la lumière sur ces affaires. Le « bureau » a estimé que la police hongroise avait toutes les données en main pour appréhender les coupables. Coup du sort ou coup de maître, c’est en tous cas juste après que les « experts » américains aient quitté la Hongrie que la tuerie de lundi matin a eu lieu.