Le Hongrois ne parlerait que le hongrois

Eurostat a publié cette semaine une enquête concernant la pratique des langues étrangères au sein des pays de l’Union Européenne. Sans surprise, on apprend, au sein de cette étude, que l’anglais est la langue étrangère la plus usitée et enseignée dans l’ensemble des Etats membres (excepté en Pologne, en Bulgarie et dans les pays Baltes où le russe supplante la langue de Shakespeare).

D’autres statistiques mis en avant par Eurostat ont, toutefois, de quoi laisser le lecteur pantois. On découvre par exemple que 74,8 % des hongrois seraient incapables de communiquer dans une autre langue que le magyar. Ce qui fait des hongrois le peuple le moins doué au sein de l’UE concernant l’assimilation des langues étrangères. Ces chiffres sont tout de même à prendre avec des pincettes.

Tout étranger, expatrié ayant voyagé, vécu en Hongrie, particulièrement à Budapest, ou tout du moins ceux qui se sont intéressés de près ou de loin à la population hongroise, pourraient sans doute le certifier : les hongrois n’ont certes pas, en moyenne, une maîtrise exceptionnelle des langues étrangères mais il est toujours possible de communiquer avec eux en anglais, en allemand ou même en français. Certes, il semble plus aisé pour un anglophone de se faire comprendre à Stockholm, Oslo ou Berlin plutôt qu’à Budapest. De là à affirmer que les hongrois sont les européens qui maîtrisent le moins les langues étrangères, l’écart semble conséquent.

Les résultats surprenants de cette étude peuvent toutefois s’expliquer, notamment par la façon dont cette enquête a été menée. Ainsi, l’étude d’Eurostat, auprès de personnes de 25 à 64 ans, ne prend en compte que la perception des individus interrogés et non pas leur qualification. En clair, Eurostat ne cherche pas à savoir si les personnes questionnées connaissent réellement une langue étrangère mais demandent simplement aux sondés s’ils se sentent aptes à parler une autre langue que la leur. Certains chiffres issus de cette étude apparaissent donc plus que contestables. Par exemple, l’étude révèle que 65% des anglais se déclarent bilingues alors que plus de 50 % d’entre eux n’étudient plus de langues étrangères dès l’âge de 14 ans. Les Britanniques, manifestement très sûrs d’eux, seraient-ils autodidactes?

A la lecture de ces statistiques, il semble donc vain de tomber dans une euphorie débordante comme ce fut le cas par exemple dans la presse slovène (STA titrant : « les Slovènes sont parmi les peuples d’Europe les plus éduqués »). Au contraire, dans un spleen propre à la Hongrie, les journaux de Budapest ont un point de vue très auto-critique ( origo.hu s’est notamment alarmé sur le fait que « même les britanniques parlent plus de langues que les hongrois »). Ce sentiment d’échec « très hongrois » est également nuancé par une autre statistique issue de l’étude : 99 % des étudiants hongrois étudient au moins une langue étrangère. A défaut d’être tous parfaitement bilingues, les Hongrois ont au moins à leur crédit de ne pas fanfaronner sans raisons.

Nicolas Gidaszewski

Cofondateur de Hulala et ancien membre de la rédaction

2 Comments
  1. Tout à fait d’accord avec vous : il ne s’agit pas d’une étude mais d’un sondage approximatif par auto-questionnaires, qui ne fournit aucun renseignement utile. Les Hongrois sont peut-être plus modestes ou plus réalistes, et plus conscients de la difficulté d’une langue étrangère en reconnaissant qu’ils ne sont pas réellement bilingues.
    Quant aux 65% d’Anglais bilingues… Quand on lit ça on se demande comment nos médias français arrivent à commenter sérieusement de telles âneries.

  2. Selon la présentation qui est faite de ce questionnaire dans l’article, je le trouve plutôt intéressant. En effet, la langue, sa définition et son estimation sont des choses tellement subjectives que demander directement au locuteur son avis n’est pas une mauvaise idée. En revanche, son utilisation est douteuse s’il s’avère que seuls les sentiments des locuteurs ont été pris en compte pour faire le bilan du niveau des européens en langue, il y aurait dû avoir un croisement effectué avec le niveau d’étude et le nombre de langues ainsi que le nombre d’années durant lesquelles elles ont été apprises.
    Aussi je travaille en Hongrie comme professeur de français et j’ai été très étonnée en arrivant dans ce pays du niveau des élèves hongrois qui était plutôt mauvais. J’exèrce pourtant dans un lycée bilingue et dans un lycée ayant la réputation d’être un très bon lycée. Je ne souhaite pas témoigner dans le sens du sondage mais les langues sont certainement acceptées de différentes manières selon les cultures. De plus, le niveau du bac requis en langue est le niveau A2 (norme européenne) qui selon des collègues enseignant l’anglais est le niveau que doit avoir un collègien à sa sortie de troisième (en France). En Hongrie, la question des langues et du niveau en langue est assez problèmatique, mes meilleurs élèves prennent généralement des cours privés après les cours.
    En tout cas, ce sondage est intéressant dans la mesure où ils donnent la parole au locuteur, où il se tourne vers leur ressenti. Ce type de questionnaire peut expliquer beaucoup de choses sur la manière d’apréhender les langues et soulever des questions beaucoup plus profondes si une vraie étude sociolinguistique est faite dans le même temps.

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