Le gouvernement en Pologne appelle au patriotisme économique

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, en appelle au patriotisme économique des Polonais pour soutenir sa vaste entreprise de « repolonisation » de l’économie.

Samedi à Kielce, une ville du sud de la Pologne à mi-chemin entre Varsovie et Cracovie, le chef du gouvernement polonais en a une nouvelle misé sur le « patriotisme économique », seul capable selon lui de sortir son pays du piège du modèle de développement fondé sur le couple attraction des investissements étrangers et emplois faiblement rémunérés.

Mateusz Morawiecki en a profité pour réaffirmer sa volonté de mettre en place sa mesure phare : baisser le taux d’imposition sur les sociétés de 19 % à 9 %. Cela fera de la Pologne le pays de l’Union européenne taxant le moins les bénéfices des entreprises, aux côtés de la Hongrie qui a elle aussi adoptée une imposition de 9 %. Cette mesure qui ne concernera que les petites et moyennes entreprises, mais profitera à 90 % des entreprises polonaises, est destinée à « soutenir la propriété polonaise et le capital polonais », selon le premier ministre.

Pour M. Morawiecki, le patriotisme économique c’est aussi « l’utilisation de produits polonais et la recherche d’articles fabriqués en Pologne qui offrent des emplois aux Polonais, favorisent l’entrepreneuriat polonais et la propriété polonaise ».

L’Etat doit redevenir un guide

Tout cela n’est pas nouveau, mais s’appuie sur le « Plan de développement responsable », une feuille de route présentée par le gouvernement au début de l’année 2016, peu après la victoire du Droit et Justice (PiS) aux élections législatives. Ce plan stipule que « l’Etat ne doit pas être réduit au rôle de contrôleur, mais doit aussi être un guide et un partenaire ».

Le parti conservateur et nationaliste au pouvoir considère que l’économie polonaise est trop dépendante des capitaux étrangers et que l’Etat doit redevenir un acteur économique majeur après avoir déserté ce terrain dans les années 90, afin de rééquilibrer la balance entre le capital étranger et polonais.

Selon ce même « Plan de développement responsable » : les entreprises étrangères auraient transféré 95 milliards de zlotys (22 milliards d’euros) à l’étranger chaque année ; la moitié de la production polonaise et les deux tiers de ses exportations proviendraient de sociétés à capitaux étrangers ; seules six entreprises polonaises peuvent être considérées comme des « champions d’envergure mondiale ».

En conséquence, l’Etat souhaite renforcer les entreprises publiques et faire émerger des champions nationaux pour concurrencer les grandes entreprises étrangères, notamment dans les secteurs clé de la banque et de l’énergie.

Concrètement, cela s’est traduit par le rachat par l’entreprise publique ENEA des activités de l’entreprise française Engie et du rachat par l’entreprise publique de production d’électricité PGE (Polska Grupa Energetyczna) de celles d’EDF, en 2017.

Dans le secteur bancaire, la compagnie d’assurance publique PZU a pris une part importante de Alior Bank, laquelle a pris des parts dans la banque privée BANK PEKAO avec l’aide du fonds d’investissement de l’Etat polonais (le PFR). Pour le gouvernement polonais, le retour de l’Etat dans le secteur bancaire va lui permettre d’influer sur les crédits bancaires et donc sur l’économie dans son ensemble.

Toutes ces mesures interventionnistes ne sont pas sans rappeler les « taxes de crise » entreprises par le Fidesz de Viktor Orbán au tournant des années 2010. Mais en Hongrie, ce que l’on désigne à l’étranger « Orbanomics » a débouché sur un capitalisme de connivence, lequel pourrait menacer à son tour la Pologne…

Filip Novokmet & Pawel Bukowski : « L’importance des capitaux étrangers en Europe centrale peut avoir des conséquences politiques significatives »

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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