Le curieux périple de l’opposition hongroise à l’usine Suzuki d’Esztergom

Hier lundi, les députés hongrois d’opposition ont quitté l’hémicycle où se tenait l’inauguration de la nouvelle session parlementaire. Dénonçant l’absence de Viktor Orbán – en déplacement en Israël -, ils se sont ensuite rendus à l’usine Suzuki d’Esztergom où un employé s’est fait licencier au début du mois pour avoir monté une section syndicale.

La séance avait cette fois commencé dans le calme. Point de sifflet ni de tracts jetés du balcon, comme le 12 décembre dernier, ce jour où l’opposition avait découvert les vertus symboliques du « hacking » protocolaire. Un peu après 13h, à mesure que le président de l’assemblée donnait la parole à chaque président de groupe pour marquer l’ouverture de la session parlementaire, les députés non-Fidesz ont quitté leurs sièges dans le calme pour se diriger vers les portes de sortie.

« Je suis encore sous le choc de ce qui est en train de se passer », s’est amusé mi-contri le président conservateur de la Diète, László Kövér, alors que les derniers députés d’opposition quittaient l’hémicycle. « Nous avons donc pu prendre connaissance de l’étendue de ce que pense l’opposition », a renchéri le très droitier Máté Kocsis, président du groupe Fidesz.

« Aux côtés de ceux qu’on attaque »

Dehors, les parlementaires frondeurs ont tenu leur conférence de presse, réaffirmant leur unité dans la mobilisation contre la « loi esclavagiste » et annonçant leur intention de se rendre dans la foulée à l’usine Suzuki d’Esztergom, où un salarié s’est fait licencier début février pour avoir créé une section syndicale. « Le Fidesz a voulu consacrer la journée d’aujourd’hui à sa propagande », a déclaré le socialiste Bertalan Tóth. « On devrait au contraire faire porter le débat sur la façon dont on jette les travailleurs comme des vulgaires mouchoirs devant les intérêts du capital », a-t-il également ajouté.

« Orbán a préféré aller en Israël plutôt que d’affronter son opposition », a commenté de son côté Péter Jakab, du Jobbik. Bernadett Szél (indépendante), concluant : « Leur lundi de propagande ne nous intéresse pas, nous devons être à l’extérieur, aux côtés de ceux qu’on attaque ». 

Hongrie : les syndicats font monter la pression

Plusieurs voitures transportant les parlementaires d’opposition se sont ensuite rendues très symboliquement sur les coups de 15h au siège de la télévision publique, qu’ils avaient voulu occuper le 17 décembre en marge des manifestations anti-« loi esclavagiste ». Après y avoir fait une halte très symbolique, les automobiles ont continué leur chemin, drapeaux au vent, vers l’usine Suzuki d’Esztergom – à une trentaine de kilomètres au nord de Budapest – qui emploie aujourd’hui près de 3000 personnes.

Sur place, c’est grâce à un cliché publié sur le profil Facebook de Tímea Szabó (écologiste) que la presse a appris la fermeture du parking à l’arrivée du cortège. Celle-ci a trouvé « incroyable » que la direction refuse de rencontrer les parlementaires. « Nous voulons dire aux représentants de Suzuki que nous représentons les intérêts de 3 millions de Hongrois (…) Ils ne peuvent pas faire comme s’is n’avaient rien à voir avec les affaires du pays : ils reçoivent des aides publiques de l’État hongrois, payées avec nos impôts », a-t-elle également déclaré lors d’une conférence de presse improvisée en début de soirée sur le site du constructeur automobile japonais.

« On dirait bien que Suzuki est le partenaire stratégique du Fidesz », s’était indigné un peu plus tôt son collègue Péter Jakab (Jobbik).

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Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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