Plusieurs associations internationales de journalistes se sont rendues en Hongrie pour témoigner de l’état de la liberté de la presse. Leur rapport est cinglant. Pendant ce temps, le Fidesz poursuit son travail de sape.
Reporters sans frontières (RSF), l’International press institute (IPI), Article 19, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), la Fédération européenne des journalistes (EFJ) et Free press unlimited (FPU). Au total, ce sont les sept principales organisations internationales de journalistes qui se sont rendus en Hongrie à la fin du mois de novembre, « pour témoigner de l’état de la liberté de la presse ».
Leur rapport, publié le 3 décembre, est cinglant : « Le gouvernement poursuit une stratégie bien rodée, qui a pour finalité de faire taire la presse critique », en intervenant sur le marché des médias et en menant une campagne de délégitimation des journalistes indépendants. La Hongrie connait par conséquent « un degré de contrôle des médias sans précédent dans un État membre de l’UE ».
RSF pointe par exemple « la marginalisation croissante des médias indépendants » dont la voix « est étouffée par un discours dominant en faveur du gouvernement et leur influence, se limite à la capitale, Budapest, laissant le reste du pays dans l’obscurité ». L’ONG déplore aussi que « une grande partie de la population, en particulier dans les zones rurales, se retrouve ainsi privé d’informations indépendantes ».
Cette dégradation continuelle depuis que le Fidesz est arrivé au pouvoir en 2010 n’a pas rencontré de résistance à Bruxelles. Le rapport pointe donc « l’inaction de l’UE et son incapacité à empêcher qu’un État membre bafoue si manifestement la liberté des médias ». Le modèle a fait tache d’huile à travers l’Europe centrale et orientale, « mettant en danger la presse indépendante dans la région ».
« Une coalition internationale financée par Soros affirme que la liberté de la presse en Hongrie est en danger », a réait le porte-parole du gouvernement hongrois à l’étranger, Zoltán Kovács. Sur son blog, il étaye : « Au moins cinq des sept groupes de cette « coalition internationale » d’organisations « indépendantes » sont financées par Soros ». Selon lui, 36% des Hongrois s’informent sur internet, où les médias critiques du gouvernement sont dominants. Il a avancé l’argument habituel du gouvernement selon lequel le plus grand site d’actualités du pays, Index.hu, est anti-Fidesz.
Plongée au cœur des médias pro-Orbán, à la rencontre des soutiers de la propagande d’État
Un Conseil des médias 100 Fidesz
Visiblement peu impressionné par la venue de ces associations de journalistes, le Fidesz s’est adjugé, la totalité des cinq sièges du Conseil des médias, lors de son renouvellement le 2 décembre, « dans un simulacre de démocratie », selon les mots d’un député de l’opposition Jobbik. Cet organe tout-puissant de régulation des médias, créé par le Fidesz avec sa loi sur les médias entrée en vigueur en 2011, sera donc contrôlé sans partage par le Fidesz pour un nouveau cycle de neuf ans. Le parti de Viktor Orbán cherche à « empêcher sa chute éventuelle avec des méthodes dictatoriales », a réagi la députée socialiste Zita Gurmai.
Les télés locales dans les villes d’opposition pénalisées
Après la déroute du Fidesz dans plusieurs grandes villes du pays aux élections locales le 13 octobre dernier, le retour de bâton ne s’est pas fait attendre. La MTVA, l’organisme qui concentre tous les médias publics, a rompu, sans explication, ses contrats avec les chaînes de télévision locales dans les villes où l’opposition l’a emporté, à Nagykanizsa, Miskolc, Pécs et Szolnok. Cela représentera un sérieux manque à pour ces télés locales qui produisaient du contenu pour la MTVA.
Le parlement sanctuarisé
Le pouvoir semble aussi être en train de se barricader au parlement. Son président, László Kövér, a récemment fait publier un amendement qui rend pratiquement impossible pour les journalistes de poser des questions aux députés dans le bâtiment du Parlement. Il assure aussi la tranquillité à Viktor Orbán, qui ne croisera plus le moindre journaliste à l’improviste dans les couloirs qui mènent de son bureau aux travées de l’assemblée.
Dans un lycée de Szeged, l’éducation aux médias est un sport de combat