La Trabi trahie

La présentation d’un prototype de nouvelle Trabant « nT » a fait sensation au salon de l’automobile de Francfort qui s’est clôturé hier, samedi 27 septembre. Vingt ans exactement après la chute du mur de Berlin, la presse allemande s’enthousiasme du grand retour de ce symbole de la RDA. Un symbole dénaturé.

Après Mini, Fiat et Volkswagen, c’est le de voitures miniatures Herpa, détenant les droits d’utilisation et de construction de Trabant, associé à l’équipementier Indikar qui surfe sur la vague « revival » pour faire renaître une icône à quatre roues. Si le projet trouve un investisseur, cinq mille « Neu Trabi » pourraient entrer en circulation dès 2012, dans un premier temps.

Avait-elle vraiment disparue ?

La première est sortie des usines d’Allemagne de l’Est le 7 novembre 1957, jour anniversaire de la révolution russe de 1917, armée d’un moteur deux-temps et d’une carrosserie en plastique « Duroplast ». Quand sa production a été abandonné en 1991, elle n’avait pratiquement pas évoluée et seuls quelques modèles avaient eu la chance de se voir doter de moteurs à quatre temps.

Les Russes avaient leur Lada, les Roumains leur Dacia mais les Hongrois, eux, ne produisaient pas de voitures, en vertu de la division du travail dans le camp socialiste. Alors ils se rabattaient sur la voiture la moins chère du bloc de l’Est, la Trabant. La « voiture que rien n’arrête… » ( « …même pas ses freins », selon la blague bien connue) a accompagné l’histoire familiale de plusieurs générations de Hongrois. C’est dans leur « Trabi » qu’ils partaient passer des vacances au Balaton.

La presse allemande qui s’enthousiasme de cette « renaissance” semble ignorer que l’histoire de cette voiture est encore d’actualité en Hongrie où l’on estime que 40.000 sont toujours en circulation. Surtout sur les routes de campagne car dans les rues de la capitale c’est une espèce en voie de disparition. Ses dernières représentantes rouillent sur des trottoirs qu’elles quittent de plus en plus rarement, coincées entre deux Suzuki Swift qu’on a permis, pour le coup, aux Hongrois de produire eux-mêmes.

Les normes anti-pollution de l’Union Européenne n’ont pas réussi à avoir sa peau. Le gouvernement hongrois l’a sauvé en 2008 d’une nouvelle règle en accordant aux propriétaires de véhicules à moteur deux-temps un délai jusqu’à 2020 pour installer des pots catalytiques. Il faut avouer que le panache de fumée bleutée laché par son moteur trois fois plus toxiques que celui des voitures occidentales enfreint toutes les normes antipollution.

Ca a la forme d’une Trabant, mais ce n’est pas une Trabant

Si son nouveau look rappelle indéniablement celui des « Trabant véritables », avec le prototype « nT » on est très loin du concept original de voiture populaire. « Ce sera une voiture électrique avec toit à panneaux solaires, destinée à la ville et aux petits trajets. A l’intérieur, il y aura des connexions pour navigateur, téléphone cellulaire et iPod », a indiqué Ronald Gerschewski, le dirigeant de l’équipementier IndiKar associé au projet. Ses fabricants assurent aussi que « Le nouveau modèle puera moins et fera moins de bruit ».

Ce « nouveau modèle » sera aussi plus cher… beaucoup plus cher. Autour de 20.000 euros! De quoi doucher les espérances des heureux, mais néammoins modestes, propriétaires de Trabant qui auraient bien remplacé leur boîte à savon agonisante pour un modèle plus récent. Il ya donc peu de chance pour que cette sympathique annonce ne vienne chambouler le parc automobile hongrois. Les retraités garderont leur ancien modèle, quant aux puristes de la Trabant et aux étudiants fauchés, ils préféreront acheter une occasion à retaper pour 200 euros. La Trabant nT, elle, risque de n’être jamais plus qu’un petit caprice « fashion » pour les nantis de la capitale.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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