La Hongrie, pour le pire… et le meilleur

Pour le pire ?

Je ne vais pas m’étendre sur les problèmes des ces dernières semaines en Hongrie. Vous avez entendu parler des dérives démocratiques [erratum : autoritaires] avec la réforme de la Cour constitutionnelle, des médias ou encore le vote de la nouvelle constitution et ses délires mystiques et religieux. De même, vous avez entendu parler du plan de rigueur, qui commence à être de plus en plus critiqué. Enfin, peut-être plus inquiétant, l’extrême misère que rencontre une bonne partie de la population hongroise, les risques de famine et la récupération démagogique, sur fond de conflits inter-ethniques, par l’extrême droite… Tout cela a été pas mal diffusé en Europe et une fois de plus l’image de la Hongrie n’en est pas sortie grandie. Mais, objectivement, il y a vraiment de quoi être inquiet !

Pour le meilleur ?

Et pourtant, il se passe aussi des choses très intéressantes chez nos amis magyars. Outre les différents projets, initiatives, résistances, solidarités que l’on peut voir émerger ici ou là, je souhaiterais parler d’une stratégie à long terme, innovante et ambitieuse, à ma connaissance sans équivalent en Europe, et apportant un grand nombres de solutions à cette convergence de crises, crises économique, sociale, environnementale, de soutenabilité… à laquelle fait face la Hongrie (et toute l’Europe de manière générale).

Au sein du ministère de l’agriculture, certains membres du gouvernement Fidesz, proposent une stratégie pour le développement rural pour les prochaines années en Hongrie. Cette stratégie est, à mes yeux, tout à fait visionnaire et pourrait servir de modèle à suivre pour initier une transition permettant de sortir de l’impasse dans laquelle nous amène toujours plus vite la société de croissance. Ainsi ce document propose un véritable projet de relocalisation des économies à travers la mise en place d’une agriculture paysanne de proximité, une revitalisation des campagnes et la création d’emplois locaux verts soutenables afin de tendre vers une souveraineté alimentaire.

Une consultation citoyenne a ainsi été mise en place autour d’un site Internet et plusieurs rencontres sont prévues. Par contre ce projet, qui va l’encontre du dogme « croissanciste » et « développementiste », et donc des multinationales agro-alimentaires, risque de se heurter à une forte résistance de la part des lobbies…

Que propose cette stratégie ?
  • Vers un exode urbain et une prise en compte de la question démographique (incontournable en Hongrie) : la logique serait de soutenir un retour à la terre en garantissant un loyer à long terme (25-50 ans) pour des familles désirant s’installer à la campagne à conditions de cultiver la terre et d’élever des enfants.
  • Vers une détente des tensions sociales à la campagne : mise en place de programmes municipaux permettant la réappropriation temporaire des terres pour ceux qui veulent en vivre et ainsi promouvoir des productions et des emplois locaux.
  • Pour une relance de la biodiversité : soutient de l’utilisation et aussi relance des espèces autochtones et des variétés locales.
  • Vers une agriculture biologique.
  • Vers une souveraineté alimentaire : un soutient particulier est donné aux communautés autonomes et soutenables.
  • Promouvoir au maximum les circuits courts : soutient de la vente directe, du commerce équitable et des marchés locaux.
  • Programme de reforestation massive.
  • Défense des petites entités et entreprises : suppression des fardeaux juridiques et fiscaux, aide est particulièrement donnée pour construire des ateliers de transformation locaux.
En quoi est-ce un espoir et un modèle à suivre partout ?

Dans les pays occidentaux nous avons mis en place depuis plusieurs décennies une agriculture productiviste dépendante du pétrole que ce soit à travers la motorisation, l’acheminement, les emballages et aussi les engrais et les pesticides. De plus, ce type d’agriculture tue les sols et n’est pas soutenable à moyen terme comme l’exprime excellemment bien Thierry Bourguignon. Avec la perspective de la raréfaction du pétrole (on aurait passé le pic de production de pétrole en 2006 d’après l’Agence Internationale de l’énergie), la question alimentaire est une véritable bombe à retardement.

Conclusion : Entre inquiétude et espoir…

Ce projet de transition visionnaire et ambitieux, en rupture avec ce que promeut Bruxelles et surtout le dogme productiviste est une véritable bouffée d’air pur dans un paysage politique déprimant. De plus, cette stratégie à travers sa dimension sociale, la revitalisation des campagnes et la création d’emplois et de productions soutenables locaux, est une vraie chance pour faire sortir de la misère des régions entières, en particulier dans l’est du pays et par là même d’atténuer les tensions avec les populations Roms. Si cette stratégie est mise en place, la Hongrie pourrait devenir un modèle européen, qui plus dans le cadre des discussions sur la Politique Agricole Commune qui doit être votée prochainement, de politique de transition vers une souveraineté alimentaire à long terme. Par contre, passer à côté d’une telle opportunité, signifierait une dégradation majeure de la situation économique et sociale déjà très inquiétante ainsi qu’une augmentation toujours plus grande de la dépendance au pétrole.

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Vincent Liegey

Co-auteur du livre Un Projet de Décroissance (Utopia, 2013), chercheur indépendant, co-fondateur de Cargonomia et co-orgaisateur de la 5ème conférence internationale sur la Décroissance - Vincze Szabo (pseudonyme utilisé sur Hulala pour des raisons de devoir de réserve).

4 Comments
  1. Etes-vous bien sûrs d’avoir relu l’article avant de le publier ?
    J’ai arrêté ma lecture à la deuxième phrase m’a laissée songeuse :
    « Vous avez entendu parler des dérives démocratiques avec la réforme de la cours constitutionnelle, des médias (…) »
    La démocratie serait-elle une dérive ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une dérive ANTI-démocratique ?
    En suivant un COURS de français, vous auriez orthographié différemment la COUR constitutionnelle !
    J’espère que la suite sera plus lisible !

  2. « soutien » au lieu de « soutient »
    il manque des mots dans « suppression des fardeaux juridiques et fiscaux, aide est particulièrement donnée »

    sinon plus concretement, c’est une bonne chose de mettre aussi en avant les choses positives 🙂

  3. J’applaudis des deux mains. Avec ce choix, la Hongrie peut devenir une référence. Attention, l’Allemagne a déjà pris de l’avance avec ces mêmes choix. Mais c’est un bon choix pour toute l’Europe.

    Dans le cas de la Hongrie, il ne faudrait pas oublier le tourisme. Ses inombrables stations thermales, associées à des « aqua récréatives », peuvent satisfaire tous les membres d’une famille… et la tempérautre de l’eau est élevée et garantie. Si en plus, il y a des restos bios, c’est le pactole pour des vacances saines et reposantes.

    Pour éviter les produits chimiques, il faudra penser aux mésanges, hérissons, crapauds grenouilles, coccinelles, chauve souris… en leur construisant des abris sûrs et en les nourrissant en hiver… pour ceux qui n’hibernent pas.

  4. VIVEMENT 2014….si entre-temps, au nom de soi-disante révolution démocratique du 21 Avril, il n’y aura pas une loi qualifiant les prochaines eléctions d’inutiles….QUE DIEU PROTEGE LA HONGRIE..meme si á mon avis il est dejá parti ailleurs …..

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