La méfiance reste de mise dans l’opposition hongroise vis-à-vis de la Commission européenne qui menace de geler une partie des fonds destinés à la Hongrie.

Il a fallu une bonne décennie à la Commission européenne pour véritablement agir contre le gouvernement kleptocrate et despotique de Viktor Orbán. Après un coup de pression du parlement européen qui, dans un rapport publié jeudi dernier, a qualifié la Hongrie de « régime hybride d’autocratie électorale » et pointé « l’inaction de l’UE [qui] a aggravé les choses », l’exécutif de l’UE a menacé dimanche Budapest de geler plusieurs milliards d’euros de fonds dits de cohésion. C’est ce que demande de longue date l’opposition en Hongrie, marginalisée et impotente à domicile, qui constate à quel point cet argent européen est le carburant du système clientéliste mis en place par le Fidesz.
Encore que rien n’est fait. La Commission peut encore discrètement enterrer la hache de guerre avec Budapest, en se contentant de mesures cosmétiques qui ne garantiront pas vraiment que les fonds du nouveau budget européen seront mieux utilisés. En dépit du discours offensif de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, sur l’état de l’Union mercredi, promettant de lutter contre la corruption et de protéger le budget grâce au mécanisme de conditionnalité, la méfiance reste de mise en Hongrie, chez les opposants d’Orbán. « C’est un pas dans la bonne direction, mais je dois dire que je suis très inquiète par les transactions en coulisses très opaques que la Commission conduit avec le gouvernement hongrois », a prévenu Katalin Cseh, eurodéputée hongroise de Renew.
A Budapest, on ne doute pas vraiment que les fonds seront versés, tôt ou tard.
Il y a de bonnes raisons à cette méfiance : Orbán, disciple et protégé d’Helmut Kohl en son temps, a toujours bénéficié de la grande mansuétude et de la protection d’Angela Merkel, qui était allée jusqu’à se féliciter de la bonne utilisation des fonds européens en Hongrie (!) ; la Hongrie d’Orbán est un paradis fiscal à seulement huit heures de route de la Bavière, où s’ébattent les plus grands constructeurs automobiles allemands (Audi, Mercedes et BMW), qui ont tout intérêt à ce que de l’argent frais entre dans le pays, et possèdent de puissants leviers politiques ; Enfin, Ursula von der Leyen est redevable à Viktor Orbán, à qui elle doit en partie son poste (il avait fait chuter son concurrent Manfred Weber).
Les Européens de l’Est ne sont pas les profiteurs de l’Union !
A Budapest, on ne doute pas vraiment que les fonds seront versés tôt ou tard. L’autre députée libérale hongroise de Momentum, Anna Donáth, pense que le gouvernement va mettre en place les mesures de lutte contre la corruption et la fraude demandées par Bruxelles, mais prévient que celles-ci « ne vont pas ébranler le cœur du système » et que, au final, c’est aux Hongrois qu’il revient de changer le régime.