L’ordre et la sécurité, mais pas ceux de la Magyar Gárda

Devant l’Académie des officiers de police de Budapest, le premier ministre Viktor Orbán a développé un discours sécuritaire, tout en dénonçant les groupes non-officiels qui voudraient se substituer à l’Etat dans cette tâche.

L’ordre public et la sécurité doivent relever de l’Etat et seulement de lui. Ils ne sauraient être apportés par des groupes non-officiels de « paramilitaires » ou de « parapoliciers », a réaffirmé le premier ministre Orbán. « Si certains d’entre vous se perdent sur ce chemin, vous serez considéré comme des déserteurs », a-t-il mis en garde.

Une véritable nébuleuse de groupuscules, plus ou moins crédibles, « d’autodéfense » d’extrême-droite s’est développée en Hongrie ces dernières années. Il ne fait pas de doutes que la menace d’Orbán est dirigée directement contre le plus célèbre d’entre eux, la Magyar Gárda (qui depuis les élections a semblé quelque peu délaisser ses fans de la capitale au profit des sinistrés des inondations du Nord et du Nord-est du pays).

Il y a un peu plus d’un an, peu avant les élections européennes où Jobbik a obtenu son premier grand succès électoral, un accord de « coopération professionnelle » assez flou avait été signé entre l’un des deux syndicats policiers existants (TMRSZ) et le parti d’extrême-droite, suscitant un tollé dans les mondes politiques et syndicaux dénonçant une mise en danger de la sécurité nationale.

Réalité ou communication politique ?

Difficile de mesurer l’ampleur du phénomène désigné par Orbán autrement que par le comptage des membres de la Garda et par l’affluence de leur supporters à chacune de ses démonstrations. Mais ces déclarations du premier ministre laissent supposer que les mouvements d’extrême-droite qui recrutent dans les rangs des services de sécurité de l’Etat ont la côte en ce moment. A moins que cela ne soit que pure stratégie politique et qu’après avoir adopté des mesures destinées à flatter la fibre nationaliste de son électorat et de celui de Jobbik, Viktor Orbán ait voulu, par ces déclarations, signifier les limites de ce qu’il est prêt à concéder à son rival de droite.

Tout au long de la campagne électorale, le candidat de l’ordre et de la sécurité  [« Le peuple a voté pour l’unité, l’ordre et la sécurité », avait déclaré Orbán au soir de son triomphe aux dernières législatives] s’était montré très sensible au sentiment d’insécurité qui s’est développé dans les campagnes reculées de la Hongrie, lié selon lui à un abandon de l’Etat sous les deux derniers gouvernements socialistes. Un phénomène que Jobbik avait désigné, selon sa sensibilité particulière, la « criminalité rom ». Le parti avait visé juste : dans la quasi-totalité de ces campagnes « où la police ne va plus », une large partie de la population a délaissée la droite traditionnelle, mais encore plus le parti socialiste, pour se jeter dans les bras de Jobbik.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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