La République tchèque bénéficie de l’aide de l’Union européenne, et c’est pourquoi elle devrait faire preuve elle aussi de solidarité dans la résolution de la crise migratoire. Quelques jours après la décision du gouvernement tchèque de ne plus accueillir de réfugiés, le président de la Commission européenne a clairement exprimé sa pensée, jeudi à Prague, lors d’un discours sur l’avenir de l’UE.
Jean-Claude Juncker l’a assuré : il s’efforce de comprendre les arguments formulés par le gouvernement de Bohuslav Sobotka. Seulement voilà, il ne les comprend pas. Ou pas tout à fait. « Je suis convaincu que les Tchèques sont de grands Européens, mais ils devraient être des Européens aussi pour ce qui est des questions relatives à la migration », a affirmé Jean-Claude Juncker au Karolinum, le siège historique de l’Université Charles. Bien qu’il comprenne que l’accueil des migrants soit une question sensible, le président de la Commission regrette que la République tchèque n’ait accueilli que douze réfugiés jusqu’à présent dans le cadre du mécanisme de répartition par pays des demandeurs d’asile arrivés en Grèce et en Italie.
« Vous acceptez l’aide de l’Europe, vous devriez donc faire preuve de solidarité, qui est un des principes sur lesquels repose l’intégration européenne. La solidarité n’est d’ailleurs pas seulement un principe, c’est un état d’esprit », a-t-il insisté pour tenter de convaincre une assemblée constituée de professeurs et d’étudiants des universités tchèques et slovaques. « L’Europe ne devrait pas réguler le volume des chasses d’eau et des choses de ce genre, je l’admets, mais il existe néanmoins d’autres domaines dans lesquels nous pouvons et devons agir ensemble. La politique d’intégration fait partie de ses priorités communes. »
Ces propos n’ont toutefois suscité que peu d’émotion et de réactions. Et pour cause : en début de semaine, le ministre de l’Intérieur, Milan Chovanec, opposé depuis le début au principe de quotas imposé par la Commission, avait fait savoir que la République tchèque, « au regard de l’aggravation de la situation sécuritaire et du caractère dysfonctionnel du système », n’accueillerait désormais plus aucun réfugié sur son territoire. Dans les faits, cette annonce, présentée comme définitive, n’a fait que confirmer la politique appliquée par Prague depuis déjà plus d’un an, puisque la dernière demande d’asile acceptée remonte à mai 2016. Une réalité qui « attriste et déçoit » Jean-Claude Juncker.
« Aggravation de la situation sécuritaire et caractère dysfonctionnel du système ».
Même si cela est toujours « mieux » que la Hongrie et la Pologne, qui n’ont, elles, accueilli aucun réfugié (contre seize pour la Slovaquie, dernier des quatre pays du Groupe de Visegrád), on reste donc – très – loin du compte. Le plan de répartition adopté par la majorité des Etats membres en septembre 2015, prévoit en effet – ou prévoyait – l’accueil par la République tchèque de quelque 2 600 réfugiés d’ici à octobre prochain. Dans un pays où la majorité de la classe politique et de la population est hostile à l’accueil des réfugiés, les menaces proférées il y a quelques semaines de cela par le commissaire aux Migrations et Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, d’engager des procédures pour traîner devant la Cour de Justice de l’UE les pays rechignant à l’effort collectif, ne changeront donc très probablement pas grand-chose à l’affaire.
Sans euro, la Tchéquie redoute de devenir la cinquième roue du carrosse européen
Par ailleurs, Jean-Claude Juncker a reconnu que bien que tous les Etats membres souhaitent « une Union démocratique, sûre et prospère« , l’Europe à plusieurs vitesses était déjà une réalité tant pour ce qui est de l’appartenance à l’espace Schengen qu’à la zone euro. Cette dernière perspective inquiète davantage à Prague. Peu après l’élection d’Emmanuel Macron et la rencontre à Berlin entre le nouveau président français et la chancelière allemande Angela Merkel, Bohuslav Sobotka a manifesté sa crainte de voir la République tchèque réduite à jouer les seconds rôles au sein de l’UE dans un proche avenir en cas de maintien de la couronne et de rejet de la monnaie unique. Selon le chef du gouvernement, la question n’est désormais plus de savoir si la République tchèque adoptera un jour l’euro, mais quand. Une question à laquelle lui-même, à la différence de celle sur l’accueil des réfugiés, ne s’est toutefois pas aventuré à répondre.
En Slovaquie, gauche et droite s’écharpent sur l’Europe à plusieurs vitesses