Un an jour pour jour après sa réélection frauduleuse, le président du Bélarus, Alexandre Loukachenko, s’est fendu d’une conférence de presse qui a pris la forme d’un monologue de près de huit heures.
Que se passe-t-il dans la tête d’Alexandre Loukachenko ? La « Grande Conversation », une conférence de presse qui a duré plus de huit heures, lundi 9 août, apporte une réponse (confuse). Au Palais Présidentiel de Minsk, devant plusieurs centaines de ses soutiens et quelques journalistes étrangers invités pour faire bonne mesure, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a nié en boucle les violences policières et les tortures à la prison d’Okrestina, assuré que tous les Biélorusses le soutenaient, tout en se plaignant des critiques venues de l’Ouest, en particulier de la part des médias.
Pour s’échauffer, le président biélorusse a lancé quelques vérités bien senties (« La Russie prend de la place sur Terre »), des questions géopolitico-existentielles que personne ne se pose (sur la possible intégration du Bélarus à la Russie : « Est-ce le Bélarus qui va intégrer la Russie, ou la Russie qui va intégrer le Bélarus ? Nous ne savons pas »), des observations profondes du monde qui l’entoure (« La Géorgie, que de belles femmes vivent dans ce pays ! »).
Alexandre Loukachenko s’est expliqué sur tous les sujets possibles, de la guerre en Ukraine au projet de référendum, en passant par l’approvisionnement en lait, restant toujours vague mais prolixe dans ses réponses – notamment sur les dates, comme celle de sa démission. Le président s’est aussi exprimé sur l’assassinat du militant Vitali Chychov à Kiev (« Mais qui le connaît, celui-là ? Qui, ayant toute sa tête, voudrait l’assassiner ? C’est absurde »), et s’est plaint de la présence encombrante du journaliste Roman Protasevitch, pourtant un avion a été détourné pour l’arrêter (le vol Ryanair Athènes-Vilnius).
Au milieu des questions complaisantes et louanges mielleuses des journalistes pro-régime, Sarah Rainsford, de la BBC, a interrogé le président au sujet des manifestations, de sa légitimité et des sanctions britanniques, lui apprenant en direct qu’elles venaient d’être adoptées. Réaction furieuse d’Alexandre Loukachenko : « Leurs sanctions, les Britanniques peuvent s’étouffer avec ! », avant d’accuser Sarah Rainsford de tous les maux qui touchent le pays. Et de dire qu’il faut « calmer le jeu si l’on ne veut pas une troisième Guerre mondiale », tout en menaçant l’Union européenne de rétorsions si elle continuait sa politique de sanctions, tout en affirmant que le pays allait très bien, et pouvait même bénéficier des sanctions.
L’incendie a été éteint par un journaliste loyal, qui, après avoir vertement tancé Sarah Rainsford, a demandé : « Mais monsieur le président, comment avez-vous la force de supporter toutes ces attaques ? ». « Je suis un homme sensible, parfois je pleure », s’est calmé Alexandre Loukachenko. L’exercice, organisé comme une démonstration de force (pas de notes ni de pause pipi) et de mansuétude (« J’ai pardonné, tout le monde fait des erreurs ») n’a en rien dévié de la propagande habituelle. Dans la tête d’Alexandre Loukachenko, il y a surtout une obsession : rester au pouvoir à tout prix.