Inquiets de la montée de l’AfD, les Polonais d’Allemagne hésitent entre Merkel et Schulz

Les élections législatives allemandes se dérouleront ce week-end. A quelques heures du scrutin, la reconduite de la chancelière Angela Merkel et de son parti, la CDU ne fait presque plus aucun doute. Enquête sur les enjeux de cette élection pour la minorité polonaise d’Allemagne.

Entretien avec Józef Malinowski, Président de l’Association des Polonais en Allemagne (Związek Polaków w Niemczech) publié dans le quotidien Rzeczpospolita. Traduit par Klara Orłowska.
Dimanche auront lieu les élections pour le Bundestag allemand. Quel est l’état d’esprit de la « Polonia »[1]La diaspora polonaise, aussi appelé Polonia désigne les émigrés polonais de première génération, notamment ceux qui ont quitté la Pologne dans les années 1920 et 1930, et leurs descendants. allemande quelques jours avant le vote ?

Nous observons avec attention ce que les politiciens disent de nous pendant ces élections. Il a été question par exemple d’introduire des restrictions sociales pour les Polonais qui travaillent en Allemagne, mais qui laissent leurs enfants en Pologne. Le parti au pouvoir a annoncé vouloir mettre en place ces limitations. Nous sommes fondamentalement opposés à cela, puisque ces personnes travaillent ici, payent les impôts ici, donc devraient aussi avoir les mêmes droits ici.

Et à propos des sujets politiques ?

Les thématiques les plus controversées sont celles de l’intégration des migrants et de l’arrivée des réfugiés. Tout comme la société allemande, la Polonia est divisée sur ce sujet. Il arrive même des cas, où dans une famille, le mari et la femme ont des avis qui divergent. Nous observons aussi avec précaution l’apparition sur l’échiquier politique du parti Alternative pour l’Allemagne[2]Alternative für Deutschland, AfD. Ils sont opposés à tous les étrangers et, on sent de plus en plus leur influence dans la société.

C’est-à-dire ?

Récemment lors d’un meeting électoral, un des responsables de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a affirmé qu’avec certain immigrés, par exemple, ceux venant d’Italie, d’Espagne ou de Pologne, il n’y a pas de problème. Qu’est ce qui s’est passé par la suite ? Il a été hué par le public. Pour l’instant, le parti AfD ne dépasse pas les 10% de popularité, mais il ne s’agit que d’un score dans les sondages. Dans une vision plus globale, il me semble qu’un nombre croissant d’Allemands sont du même avis, même s’il faut souligner, que ce n’est pas du tout l’avis de la majorité.

Concentrons-nous alors sur les partis qui jouissent de la plus grande popularité. Est-ce que la nouvelle victoire de la CDU, soit le parti d’Angela Merkel, va changer quelque chose ?

Il semble en effet que ce sera l’issue du vote. La CDU est le leader des enquêtes pré-électorales et s’il arrive à atteindre de nouveau la majorité, alors rien ne va changer, ni dans la politique envers la Polonia, ni la politique extérieure, ni la politique étrangère. Même la chancelière Angela Merkel affirme qu’elle maintiendra sa ligne politique. Ces dernières années furent pour nous, la Polonia, assez inquiétantes. En 2011, a été créé une plateforme de consultations, une « table ronde » des minorités nationales de Pologne et d’Allemagne. Cependant, depuis deux ans, ces consultations sont gelées. C’est arrivé en même temps que l’accession au pouvoir de PiS (parti Droit et Justice) – je rappelle, un gouvernement élu dans les élections démocratiques.  Cela ressemble à une offense du coté de l’Allemagne envers le gouvernement polonais. C’est blessant surtout pour la Polonia, car ces consultations ont apporté certains compromis, qui ne sont aujourd’hui pas respectés. Je ne m’attends pas à ce que ça évolue dans le futur proche.

Quels compromis ?

Il y a eu par exemple la décision que la partie allemande s’engage à rénover la Maison Polonaise à Bochum, qui est le siège de l’Association des Polonais en Allemagne. Il a même été annoncé que les financements ont été trouvés, la décision a été prise. Malgré ces annonces, les travaux n’ont toujours pas commencé. Cela aurait pu être une excellente carte de visite, un geste symbolique, mais il s’est avéré qu’il n’y a en vérité pas d’argent pour ce projet. Un autre sujet de consultations a été le traité polono-allemand de juin 1991. Il a été de nouveau souligné, que même si nous ne sommes pas une minorité nationale, les droits de la Polonia devraient être égaux à ceux qui sont octroyés à la minorité allemande vivant en Pologne. Rien n’a évolué à ce sujet. Avant la seconde guerre mondiale, nous avions ce statut, qui nous a été enlevé par les pouvoirs nazis. Et même si après la guerre, il a été déclaré que les décisions prises par les nazis sont invalides, nous devons encore nous battre pour récupérer ce statut, pourquoi ?

Vous habitez en Allemagne depuis plus de 30 ans. Comment vous jugez ces élections en comparaison à toutes les autres auxquelles vous avez assisté ?

Il y a eu un temps où le SPD était un vrai parti socialiste, dévoué aux causes sociales et aux citoyens ordinaires. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, car son programme est trop similaire à celui du parti au pouvoir, la CDU. Récemment un journaliste allemand a déclaré qu’aux vues des déclarations des politiques de ces deux partis, les différences de programmes doivent être cherchées très minutieusement. Quand je pose la question à mes connaissances ici ou à la Polonia, ou même les Allemands, ça se voit, que même quelques jours avant le scrutin, ils ne savent pas pour qui ils vont voter. Il n’est pas certain que le taux de participation soit élevé. Les changements pourraient venir d’autres partis, mais ils sont trop petits et n’ont aucune chance de percer. Le fait que le Parti libéral-démocrate va probablement entrer au Bundestag est un bon signe, mais c’est un groupement destiné à un segment très mince de la société – ceux du « haut de l’échelle », les avocats, économistes, managers – mais pas nous.

Notes

Notes
1 La diaspora polonaise, aussi appelé Polonia désigne les émigrés polonais de première génération, notamment ceux qui ont quitté la Pologne dans les années 1920 et 1930, et leurs descendants.
2 Alternative für Deutschland, AfD
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