Hongrie : Tesco doit augmenter les salaires au lieu d’augmenter ses marges

Les salariés de Tesco seraient prêts à se mettre en grève pour réclamer une augmentation de salaires. Rarissimes en Hongrie, les mouvements sociaux pourraient s’intensifier dans le pays. Près de 30 ans après la fin du communisme, les syndicats semblent enfin relever la tête.

Tribune publiée le 2 juin 2017 dans Kettős Mérce sous le titre « Itt az ideje, hogy ne a profitráta, hanem a bérek növekedjenek a magyar Tescónál is! ». Traduite du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi.

On a pu lire ça et là ces derniers jours la nouvelle selon laquelle plusieurs syndicats de la petite distribution envisageaient de se mobiliser (à travers un ralentissement de la cadence ou, s’il le faut, une grève) afin d’obtenir une augmentation des salaires et améliorer les conditions de travail des salariés de Tesco-Global Zrt[1]Filiale hongroise du groupe de distribution britannique, ndt..

La vie des salariés de la petite distribution n’a jamais vraiment été rose, d’autant plus chez Tesco. Les raisons sont assez simples : d’une part, ces derniers années, c’est chez Tesco que l’on trouvait le salaire moyen le plus bas parmi toutes les chaînes étrangères de distribution ; d’autre part, les conditions de travail y sont loin d’être idéales. Comme le formulent les syndicats : « NOUS DEVONS NOUS UNIR pour montrer que nous refusons le GRIPPEMENT DE L’AUGMENTATION SALARIALE ET LES MAUVAISES CONDITIONS DE TRAVAIL ».

Revenus mensuels bruts dans la petite distribution (2014-2016)
[amcharts id= »xy-tesco »] Source : Compilation par Index d’informations recueillies auprès des entreprises

Il y a bien eu une hausse des salaires en 2017 chez Tesco, mais l’entreprise s’est bornée à s’aligner sur le salaire minimal légal ainsi que sur le salaire minimal garanti[2]En Hongrie, le « salaire minimal garanti » désigne le niveau de revenu plancher pour les titulaires d’un niveau bac., sans augmenter l’ensemble des rémunérations en conséquence, ce qui a eu un effet de compression au niveau des bas revenus et n’a profité au final qu’aux salariés les moins bien rémunérés.

Ainsi, l’augmentation du salaire minimal légal et du salaire minimal garanti ne s’est pas traduit par une augmentation de la moyenne des rémunérations car les salaires légèrement supérieurs aux niveaux planchers ont à peine été augmentés. L’entreprise bénéficie depuis cette année – comme toutes les autres entreprises depuis ce 1er janvier – d’une baisse de 5% des cotisations sociales. La baisse des cotisations sociales avait pourtant été octroyée pour justement permettre le financement de la hausse du salaire minimal légal et du salaire minimal garanti ainsi qu’une augmentation générale du niveau de rémunération des salariés.

Le gouvernement nourrit de grandes ambitions dans ce domaine : il mise sur une augmentation de 40% des revenus sur les six prochaines années en jouant à la fois sur une baisse progressive des cotisations sociales mais également sur une hausse de la compétitivité des entreprises.

On ne peut pas vraiment dire que Tesco se soit mis à la pointe de ce programme de rattrapage salarial. Il n’y avait bien sûr aucune certitude que les 5% de baisse de cotisation aillent dans l’augmentation, même minimale des salaires. Comme nous l’avons nous-mêmes déjà écrit, les baisses de cotisation généralisées et sans contrepartie contribuent souvent davantage à l’augmentation des bénéfices des entreprises.

Ce surplus d’argent n’a pas besoin d’aller aux employés tant que les patrons peuvent le mettre dans leur poche. Pourtant, le contexte actuel du marché de l’emploi – entendre ici la pénurie de main d’oeuvre – pourrait renforcer la position des syndicats dans leur combat pour que la générosité gouvernementale envers les entreprises se traduise réellement par une augmentation des salaires. C’est ce qui est en train de se passer chez les salariés de Tesco prêts à se mettre en grève.

En tant que gens de gauche, je ne sais pas s’il faut se réjouir pour autant de la situation. D’un côté, l’émigration de travail a atteint en Hongrie des proportions dramatiques, lesquelles pourraient nuire à long terme à notre compétitivité ainsi qu’à notre potentiel de croissance. D’un autre côté, la pénurie de main d’oeuvre tend à renforcer la position des salariés et de leurs syndicats, lesquels peuvent désormais se mobiliser efficacement en faveur de leurs intérêts et de leurs droits.

Durant les décennies post-communistes, les syndicats ont accompagné le déclin et le détricotage de la représentation et de la défense des intérêts des salariés, ce qui a contribué – et contribue encore – à l’exploitation des travailleurs dans l’ensemble des pays d’Europe centrale et orientale. La situation actuelle du marché du travail offre désormais l’opportunité pour que la protection et la défense des intérêts des salariés trouvent enfin leur voie.

Dans le cas de Tesco, les comptes financiers de la multinationale montrent que la filiale britannique (Tesco UK & ROI) a dégagé un profit de 1,2% en 2016 tandis que Tesco International (Tchéquie, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Malaisie, Thaïlande, Turquie) en a dégagé 2,6%.

Voici venu le temps pour que ce soit les salaires qui augmentent chez Tesco, et non pas les profits ! Bonne chance pour ceux qui se battent en faveur d’une meilleure rémunération !

Notes

Notes
1 Filiale hongroise du groupe de distribution britannique, ndt.
2 En Hongrie, le « salaire minimal garanti » désigne le niveau de revenu plancher pour les titulaires d’un niveau bac.
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