La situation est alarmante dans l’espace frontalier entre la Hongrie et la Serbie où les violences policières contre les migrants se multiplient.

L’ONG Human Rights Watch a publié mercredi 13 juillet un rapport accablant pour les policiers et militaires qui patrouillent à la frontière hungaro-serbe. Elle dénonce des violences contre les migrants qui se présentent aux portes de la Hongrie et de l’Union européenne. « La Hongrie enfreint toutes les règles pour les demandeurs d’asile qui transitent par la Serbie, rejetant sommairement leurs demandes d’asile et les renvoyant à la frontière. […] Les gens qui entrent en Hongrie sans autorisation, y compris les femmes et les enfants, ont été sauvagement battus et refoulés à la frontière ». Le rapport reproduit de nombreux témoignages qui font état d’utilisation abusive de gaz lacrymogène et de coups de tonfa.
En cause, une loi entrée en vigueur le 5 juillet qui donne le droit à la police d’interpeller sur une bande frontalière large de huit kilomètres puis d’expulser manu militari quiconque a pénétré sur le territoire hongrois sans passer par des zones de transit officielles où l’attente peut durer plusieurs semaines. Elle complète un arsenal législatif déjà sévère faisant du franchissement de la clôture un délit.
Le ministère hongrois de l’Intérieur a rétorqué dans un communiqué aux graves accusations portées par Human Rights Watch selon lequel les personnes appréhendées « se sont conformées aux instructions de la police, sur une base volontaire et sans résistance » et affirme que « les migrants ne sont pas harcelés sur les frontières de la Hongrie ». Mais des journalistes présents sur place corroborent les accusations de HRW. D’ailleurs, le Comité Helsinki en Hongrie avait tiré la sonnette d’alarme dès le début du mois de juin contre le nombre croissant de violences à l’encontre des demandeurs d’asile.
10 000 policiers et militaires sont déployés actuellement dans l’espace frontalier méridional, armés d’hélicoptères et de chiens. György Bakondi, conseiller principal à la sécurité auprès du Premier ministre, s’est félicité que, la semaine de l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, 1 300 personnes tentant de franchir la frontière ont été repoussées et 600 qui avaient réussi à passer ont été reconduites.
Conséquence de ce nouveau durcissement hongrois, les personnes empêchées de traverser la frontière et celles reconduites après avoir été arrêtées en Hongrie s’amassent côté serbe, face aux barbelés, dans des conditions sanitaires désastreuses. En atteste un reportage du Courrier des Balkans qui a aussi recueilli des témoignages de personnes violentées par les policiers hongrois.
Le droit d’asile existe-t-il encore en Hongrie ?
Le groupe hongrois de solidarité envers les migrants « Migszol » considère que le droit d’asile en Hongrie a été purement et simplement aboli, à l’encontre de toutes les conventions internationales et publie ce texte sur sa page facebook : « Les lois [pour venir en aide aux personnes en quête de protection] semblent être totalement suspendues du côté hongrois de la frontière serbo-hongroise, en particulier pour les personnes les plus vulnérables et les plus faibles – les réfugiés. Pour ces personnes, tout recours à la loi semble n’être qu’une façade. Dans les soi-disant « zones de transit », les réfugiés sont clairement rejetés après un traitement qui fait injure à l’expression « procédure d’asile ».
Le porte-parole de L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), William Spindler, a déclaré lors d’une conférence de presse à Genève vendredi 15 juillet que ces nouvelles restrictions contrevenaient au droit de l’Union européenne et au droit international. « Nous sommes profondément préoccupés par de nouvelles restrictions mises en place par la Hongrie menant à la reconduction des demandeurs d’asile et par des rapports concernant l’utilisation de la violence et de mauvais traitements ».
La Hongrie semble avoir carte blanche pour barrer la route aux migrants
Dans une tribune publiée lundi 11 juillet dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (disponible en intégralité en anglais), Viktor Orbán proclame que « la Hongrie a protégé et continue de protéger les Allemands, ainsi que les Suédois, les Néerlandais et tous ses autres partenaires européens », …lesquels ne trouvent, semble-t-il, rien à redire. A leur silence s’ajoute le soutien actif des pays du Groupe de Visegrád qui ont envoyés des hommes à la frontière serbo-hongroise pour seconder les forces hongroises.
Budapest peut maintenant aussi se prévaloir d’un soutien décisif, venu de Vienne la semaine dernière. Le ministre autrichien de l’Intérieur Wolfgang Sobotka et le ministre de la Défense Hans-Peter Doskozil se sont en effet rendus en Hongrie jeudi dernier pour adouber le dispositif pour boucler la frontière et a marqué son soutien symbolique par l’envoi de 20 policiers autrichiens. Le chancelier Christian Kern doit aussi se rendre à Budapest le 26 juillet à l’invitation du Premier ministre hongrois Viktor Orbán pour « ouvrir un nouveau chapitre dans les relations austro-hongroises » et adopter une position commune sur la question de la sécurité des frontières extérieures de l’Union européenne, comme l’a précisé János Lázár, le chef du cabinet du Premier ministre.