Budapest a octroyé la citoyenneté hongroise à un million de Magyars en sept ans. Le millionième naturalisé a prêté serment samedi au palais présidentiel.
C’est sous les ors du palais présidentiel Sándor Pálota, dans le quartier du château royal de Buda, que le millionième nouveau citoyen hongrois a prêté serment. Quatre années plus tôt, c’est un moine franciscain de Transylvanie du nom de Csaba Böjte qui avait eu l’honneur d’être le 500 000e naturalisé. Cette fois, allait-il être issu des 1,3 million de Magyars de Transylvanie en Roumanie, des trois cent mille de Voïvodine en Serbie, des cent cinquante mille de Subcarpatie en Ukraine ?
C’est Miklós Lajkó, un agriculteur de Voïvodine, qui a été désigné pour participer à la cérémonie symbolique, qui s’est déroulée en présence du Président de la République János Áder, du Premier ministre Viktor Orbán et du Président du Parlement László Kövér. « Nous célébrons aujourd’hui l’unité de notre nation politique », a déclaré János Áder. Lajkó et sa femme « nous ont montré ce que signifie être hongrois ; ils voulaient être des citoyens hongrois parce qu’ils se considèrent hongrois, que leur langue maternelle est le hongrois, qu’ils sont allés dans une école hongroise et que leurs ancêtres étaient hongrois », a aussi dit le président.
Selon les chiffres du Secrétariat d’Etat aux Hongrois d’outre-frontières communiqués à Hulala, 908 000 personnes ont demandé la nationalité hongroise dans le cadre de la procédure de naturalisation simplifiée entrée en vigueur le 1er janvier 2011, et 133 000 personnes ont été déclarées citoyennes hongroises dans la diaspora (c’est-à-dire dans les territoires situés en dehors du bassin des Carpates). 97% des naturalisés vivent dans le bassin des Carpates, dans les pays voisins de la Hongrie, principalement en Transylvanie (Roumanie) et en Voïvodine (Serbie).
Réparer « l’erreur historique » de Trianon
Rejeté pendant près de huit années dans l’opposition, de 2002 à 2010, Viktor Orbán avait fait de la question nationale une priorité parmi les priorités du Fidesz. Il s’agissait alors, selon la terminologie employée, de « réunir la nation hongroise » et de « réparer l’erreur historique de Trianon ». En référence au traité signé en 1920 à Versailles qui avait démembré le royaume de Hongrie après la Première Guerre mondiale et jeté hors des nouvelles frontières de la « mère-patrie » un tiers de sa population hongroise.
C’est ainsi que le 26 mai 2010, un mois seulement après son retour au pouvoir et avant même d’avoir formé son propre gouvernement, la coalition Fidesz-KDNP fit voter à la quasi-unanimité (97,7%) une procédure simplifiée de naturalisation de ces Hongrois « d’outre-frontières ». Concrètement, un amendement à la Loi de 1993 sur la citoyenneté supprimait la condition de résidence en Hongrie, les prétendants à la citoyenneté n’étant plus tenus que de prouver la véracité de leurs origines hongroises et de leur maitrise de la langue. [1]Modification de la loi LV de l’an 1993 portant nationalité hongroise, voir le site gouvernemental (en français).
Seule la Slovaquie s’était opposée à Budapest
Seule la Slovaquie, où vivent approximativement un demi-million de Hongrois, répliqua à Budapest en interdisant à ses ressortissants l’accès à la double-citoyenneté. Prévenus de l’intention du Parlement hongrois de voter le texte, les députés slovaques se réunirent quelques heures avant en session extraordinaire pour approuver à l’unanimité – à l’exception évidente du parti des Hongrois de Slovaquie SMK – une résolution condamnant le projet de loi hongrois qu’il considèrent être une « atteinte à la sécurité nationale slovaque », selon les mots du premier ministre socialiste, Robert Fico.
De leur côté, les autorités serbes avaient fait savoir qu’elles ne s’opposeraient pas à ce que les quelques 300 000 Hongrois qui peuplent le nord du pays, dans la région de Voïvodine, se voient proposer la citoyenneté hongroise. De même pour la Roumanie, avec qui pourtant, les relations par le passé se sont cristallisées sur la question de l’autonomie des Sicules de Transylvanie [Voir notre vidéo « Comprendre le mouvement autonomiste sicule en Roumanie »]. Il faut dire que Belgrade a généreusement offert des passeports aux Serbes de Bosnie et que la Roumanie a aussi octroyé à grande échelle des passeports à une partie de la population moldave d’origine roumaine.
« Budapest ne veut rien de ce qui n’ait pas de précédent en Europe », assure le secrétaire d’Etat aux Hongrois d’outre-frontières, Péter Szilágyi.
Faut-il craindre pour autant un retour de la « Grande Hongrie » ?
La Constitution hongroise prévoit que « la République de Hongrie se porte responsable du destin des Hongrois vivant hors frontières » La nouvelle loi fondamentale proclame « l’unité de la nation hongroise ». Budapest soutient ainsi les aspirations autonomistes des minorités, mais le secrétaire d’Etat aux Hongrois d’outre-frontières Péter Szilágyi, interrogé par Hulala, est catégorique : « Le gouvernement hongrois n’a jamais eu l’intention de «commander» les Hongrois vivant à l’étranger ou leur dire ce qui est bon pour eux, ni quelle forme d’autonomie leur conviendrait. Nous voulons que les communautés hongroises se prononcent seules sur ce cette question, pour élaborer un concept clair d’autonomie fondé sur un consensus social et que l’État-parent soutienne ce concept. Il est également extrêmement important de souligner que Budapest ne veut rien de ce qui n’ait pas de précédent en Europe. Il y a beaucoup de bons modèles d’autonomie existants en Europe, par exemple, celui du Tyrol du Sud ou l’autonomie dans les îles Åland. »
Le Fidesz veut capter les voix des Hongrois de la diaspora et des pays voisins
Un réservoir électoral pour le Fidesz
Les craintes des partis politiques de voir le Fidesz accorder le droit de vote aux Hongrois de l’étranger se sont rapidement avérées fondées. Outre le fort levier émotionnel, ce million de personnes naturalisées présente un grand enjeu de politique intérieure également du fait que le droit de vote (partiel) aux élections législatives leur a été accordé. On estime que 192 000 électeurs alors inscrits avaient voté permis au Fidesz de reconduire sur le fil sa « super-majorité » des deux-tiers des députés en 2014. Le peu d’entre eux qui avait pris part au scrutin, 63 000, avaient quasi tous voté pour le Fidesz. La Commission électorale a annoncé l’été dernier le nombre de 350 000 inscrits sur les listes électorales et le Fidesz espère en compter un demi-million d’ici aux élections législatives en avril.
Le Fidesz veut capter les voix des Hongrois de la diaspora et des pays voisins
Crédit photo : service de presse du gouvernement hongrois.
Notes
↑1 | Modification de la loi LV de l’an 1993 portant nationalité hongroise, voir le site gouvernemental (en français). |
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