Hongrie : le renouveau national, cela passe aussi par le foot

Viktor Orban, fondateur de la Puskas Football Academy (Crédit photo : Reuters – Balogh László)

Article publié le 29 juin 2012.

Nous sommes à quelques heures du grand derby entre la Hongrie et la Roumanie pour les éliminatoires du Mondial 2014, qui se joue ce vendredi soir 22 mars à Budapest et à huis clos.

Un capitalisme industriel régulé par l’Etat, une classe moyenne aisée et dynamique tirée vers le haut par une petite élite dirigeante, la famille et la religion (tant que celle-ci sert les desseins du pouvoir en place) comme piliers d’une société prospère. Tel est le projet de jeu affiché par « coach Orban » pour faire remonter son pays en ligue 1, dont il a été fort injustement exclu à la chute du Royaume, après la première guerre mondiale. La tactique pour y parvenir est bien en place : sanctionner ceux qui trainent les jambes et ne mouillent pas le maillot rouge-blanc-vert et placer ses fidèles joueurs aux postes clés. Orban doit lui-même parfois chausser les crampons sur la pelouse du stade municipal de son village pour montrer l’exemple et rassurer les supporters : le coach veille.

Pour ce qui est du football, le vrai, c’est encore à la télévision que cela se passe pour la Hongrie, un temps pressentie pour organiser l’Euro 2012 qui se joue actuellement. Cela aurait été une aubaine pour l’équipe nationale hongroise qui aurait eu l’assurance d’y participer, elle dont la dernière participation à une compétition internationale remonte à la coupe du monde 1986. Et justement, pour Viktor Orban, il est temps que cela change. Car il y a deux choses que le premier ministre hongrois aime plus que tout au monde : la politique et le football. Et si sa première passion l’a conduit au sommet, il n’a pas tout à fait renoncé à la seconde pour autant.

D’ailleurs, sport et politique sont intimement liés et ils peuvent faire beaucoup pour s’entraider a-t-il estimé lors du congrès de la FIFA qui s’est tenu… à Budapest, à la fin du mois de mai. « Le sport est fait pour unifier les gens, non pour les diviser. Le football nous apprend tout […]. Nous essayons de bâtir un pays où le fair-play est une force, pas une faiblesse, comme dans le football« , a déclaré M. Orban. La Hongrie, pays du fair play ? Ce n’est pas l’avis de l’opposition qui lui a déjà adressé plusieurs cartons rouges, accusant le pouvoir de clientélisme (dont elle s’était rendue abondamment coupable en son temps aussi, pour ce qui est du parti socialiste).

« La Hongrie sera une nation de sports » _ Viktor Orban

« La Hongrie sera une nation de sports« , avait décrété l’homme fort de la Hongrie, peu de temps après son élection en avril 2010. Et pour joindre les actes aux paroles, le gouvernement a décidé d’augmenter le budget alloué aux sports à la fin de l’année dernière. Particulièrement pour le football, car Orban s’est avant tout donné une mission de rendre au football hongrois ses lettres de noblesse, qu’il avait connu après la seconde guerre mondiale, quand le « onze d’or » du regretté Puskas « Öcsi » avait atteint la finale de la Coupe du Monde 1954, échouant contre toute attente face à l’Allemagne de l’Ouest. Ses vastes projets devraient, selon lui, l’ »élever à l’avant-garde du foot mondial » d’ici 10 à 15 ans.

La Ferenc Puskás Football Academy (www.pfla.hu)

Cet optimisme fait amèrement ricaner les Hongrois, qui ont déjà attendu de longues années, des décennies même, ne serait-ce qu’un match de référence dans une grande compétition. En tout cas, en visite en Hongrie cette année, les instances internationales du football – Platini pour l’UEFA et Joseph Blatter pour la FIFA – se sont dit impressionnées par les efforts déployés par le 1er ministre pour développer le football. M. Blatter ayant même prédit un « bel avenir » à l’équipe de Hongrie qui pointe aujourd’hui à la 31è place au classement FIFA, en légère et constante progression depuis quelques années.

Pour voir se réaliser cet ambitieux projet, l’actuel 1er ministre a lui-même fondé la « Ferenc Puskás Football Academy » le 1er avril 2007, jour du 80ème anniversaire du « Major galopant ». Elle possède à ce jour 4 terrains, 2 terrains synthétiques, un terrain couvert et d’autres sont en projet de construction. L’Académie a aussi fait une demande de subventions publiques à hauteur de 4 milliards de forints (14 millions d’euros) pour ériger un stade de 3.500 places (initialement 7.500 places prévues), ce qui a valu à Orban les quolibets de tous ceux qui ne comprennent rien au ballon rond, et des comparaisons peu flatteuses avec le « Génie des Carpates » – à ne pas confondre avec Gheorghe Hagi, le « Maradona des Carpates » – mais un certain Nicolae Ceaucescu. « Je crois que quand tout sera prêt, la plus grande académie de foot en Europe sera Felcsút« , s’est enflammé son président Lorinc Mészáros, qui n’est autre que le maire du village et un homme de confiance de Viktor Orban.

Un nouveau Ferenc Puskas Stadion

Le Ferenc Puskas Stadion actuel (Crédit Photo : HU-LALA)

Les projets du gouvernement pour redresser le football hongrois ne s’arrêtent pas là. En Novembre 2010, la décision a été prise de financer la construction d’un nouveau stade à Debrecen, qui coûtera dix milliards de forints (35 millions d’euro) et pourra accueillir 20.000 personnes. Idem pour le club mythique de Budapest, Ferencvaros, qui devrait lui aussi avoir droit à un nouveau stade de 22.000 places.

Mais le grand projet, c’est la construction d’un nouveau stade national qui devrait entrer en service dès 2015-16. Il aura une capacité de 65.000 places et remplira toutes les exigences des instances internationales de football, pour un coût estimé à 120 millions d’euros.

Le stade du peuple (Népstadion) avait été construit entre 1948 et 1953 avec force volontaires parmi eux des militaires, certainement exaltés par l’idée de participer à l’édification de la nouvelle Hongrie stalinienne. La Fidesz s’était ensuite fait un plaisir de le débaptiser de ce nom qui rappelait tant les années les plus dures du communisme, pour lui donner le nom de Ferenc Puskas Stadion, en 2002.

A long terme, Viktor Orban voit encore beaucoup plus grand et ne cache pas son rêve de voir un jour les JO se dérouler dans son pays. « Je n’ai pas abandonné l’idée d’organiser les Jeux Olympiques, mais le pays doit d’abord être renforcé pour cela« , avait-il toutefois concédé au cours de la présentation du projet de nouveau stade national.

Alors que l’Etat est surendetté et que les plans d’austérité s’enchaînent et plongent chaque fois un peu plus la population dans le désarroi, tout cela ne paraît pas très opportun, mais peut-être qu’en fin connaisseur de son peuple, Orban espère que de belles victoires pourront lui mettre du baume au cœur, à défaut de beurre dans les épinards. Ils sont de plus en plus nombreux en Hongrie à regretter que Viktor Orban ait raté sa carrière de footballeur…

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

13 Comments
  1. « Un capitalisme industriel régulé par l’Etat, une classe moyenne aisée et dynamique tirée vers le haut par une petite élite dirigeante, la famille et la religion comme piliers d’une société prospère« …ca fait bien campagne electorale….2014 approche 🙂

  2. Et avec ca, il devient urgent de rouvrir, voire d’agrandir, l’hopital de Lipótváros. Pour ceux qui ne le sauraient pas, il s’agit d’un asile psychiatrique malencontreusement fermé en 2009.

    Pendant que l’on projette la construction de ces beaux stades, une ligne de métro (la 3) est déclarée dangereuse (wagons vieux de 35 an qui crament régulirement, ballast instable), les trains se trainent a vitesse d’escargot (voies a refaire, cf. le Balaton rive Nord), des hopitaux ferment et des écoles ne se chauffaient plus cet hiver (et encore moins l »hiver prochain). Et une bonne partie de la population se trouve au bord de la ruine…(sinon déja au fond du puits…)
    Bref, vive le foot ! Hajrá Viktor !

    (Et a nouveau bravo a Corentin pour cet excellent papier.)

  3. Oui, merci Corentin, ce papier a le mérite de nous faire tourner la page.

    Par contre, vive le foot. Cela reste un point de fierté…

    Mes voisins plus âgés ne veulent jamais que l’on discute politique, par contre Laszlo, 75 ans insiste pour que je l’accompagne supporter l’équipe du falu.
    Il faut le voir s’inonder, coiffé de sa casquette au couleur de l’équipe locale.

    Vive la Hongrie, vive le foot, vive mon voisin Laszlo !
    Et tant pis pour ceux qui ne connaissent pas mon voisin Laszlo.

  4. On voit bien en France que le foot contribue fortement au sentiment de fierté d’un pays.

    Je suis écoeurée.

  5. Il ne reste plus qu’à trouver les millions d’euros pour rémunérer les footbaleurs. Peut être qu’une nouvelle taxe spéciale sur les chaussures…

  6. @Roland
    Taxe sur les chaussures et sur les ballons en vente dans tout le pays. Mais aussi une taxe de 1 000 forints par but encaissé et de 500 par but marqué (usure des filets et de la pelouse) sur l’ensemble du championnat national, multipliée par 10 pour les compétitions internationales et des taxes diverses sur les coups francs et cartons…(le service des impots soudoyant le arbitres pour qu’ils en délivrent encore plus…) Bref, une idée a creuser, cher Matolcsy ! Merci, Roland pour le tuyau au nom de la Hongrie reconnaissante!

    @Zsak (bácsi)!
    Bravo a Laci bácsi! A propos, c’était sa fete, j’espere que vous y avez pensé.
    Moi aussi ai joué (arriere gauche), mais nous prenions tout le temps des piquettes.
    Ai fait aussi un peu de rugby (CASG, Pari), mais l’entrainement était dur, dur ! (le terrain est plus grand et il faut sacrément courir).
    Je crois que le rugby conmmence a se développer en Hongrie: une idée qui me plait: enfin de l’ouverture ! (sans jeu de mot…)
    Pierre bácsi

  7. c’est le cas de le dire, Orban confond stupeur et réalité, il s’ imagine que les fonds poir réaliser tout cela c’est le fmi qu’il va lui faire parvenir ! vivement les élections qu’il dégage et que chacun puisse retrouver sa liberté!!!!

  8. Cela doit être parce que je n’aime pas le foot, mais pour une fois je suis d’accord : dépenser autant dans des stades alors qu’il y a des infrastructures ô combien plus utiles qui attendent d’être rénovées … Ridicule !

  9. @Karcsi: tout a fait d’accord avec vous (c’est si rare, ca se fete!.. je mets un champagne au frais – du BB száraz, si ca vous convient): dépenser pres de 100 milliards de forints pour des stades, alors que tant d’infrastructure vitales sont a refaire (voies ferrées, métro ligne 3, etc.). Une folie !

  10. On voie que vous n’aviez pas assisté aux « succès » de « l’équipe d’or » en 1954 . Les trams. arrêtés sur le Nagy-körut » pour écouter Szepesi György commenter la défaite contre les allemands en final ….(GYASZ)
    Les hongrois d’ aujourd’hui n’ont plus d’idéal , pour qui ou quoi se battre , ou s’identifier à quelque chose de valorisant . Depuis 1989 on pouvait espérer , qu’ une volonté de bâtir un nouvel Hongrie (la fameuse Suisse d’ Europe centrale) serait imaginable , mais « la baraque sympathique » à laissé des traces !
    Antal Jòzsef idéaliste au grand coeur a ouvert la porte à ce gâchis monumental qu’on appelait « kàrpòtlàs  » . Les hongrois politiquement et économiquement immatures , se sont , et se sont laissés dévorer par l’ avidité ! ( « Eladò az egész vilàg … ») même si je vends ce qui ne m’ appartient pas !?
    Les plus cupides (un député de mes connaissances) appelait ça « HONFOGLALÀS » !!!!!
    Toujours dans l ‘esprit du régime précédent — « l état c’est nous, servons nous ! c ‘est pas du vol ! » .– Les seules résultats furent l’ enrichissement d’ une catégorie de la population ,et pas toujours la plus méritante, et encore mois la plus compétente . Quel pays est capable à renouveler son parc automobile en deux ou trois ans ? Le résultat , est que Mr. Orbàn est le seul politicien, qui avait à proposer  » autre chose » . N’ oubliez pas les « aveux » de Mr. Gyurcsàny pour « classer » les socialo-communistes !
    Autoritaire ? La bel affaire ! Connaissez – vous des chefs « mollassons » qui ont sortie leur pays d’ une situation ou il n’ y a plus que des vautours qui mangent à leur faim ? Lisez De Gaulle !
    Alors Messieurs , laissez Orbàn chercher n’ importe quoi pour motiver et réunir les hongrois ! mais qu’ il trouve !!!!!!! ( S’ il se trouve, que c’ est l’ Europe ou le FIFA qui financera le stade en question ?)

  11. Pierre, vous dédaignez souvent les vieux metros de Budapest (selon votre logique c’est seulement Orbán qui les a faits ou laissés vieillir et non pas les ex-communistes), mais en fait les metros d’alstom sont attendus depuis trés longtemps. Espérant que les erreurs de fabrications seront refaits et réparés une milliéme fois, ca pourrait servir d’exemple aux Francais que c’est pas parce qu’on est hongrois qu’on puisse y déverser toute la poubelle de l’occident. Et lá je pense aussi á la nouriture chére et de mauvaise qualitée distribuées en particulier par auchan.

  12. une fois de plus Orban a 100% raison, quel génie, les hongrois ont vraiment de la chance d’avoir un héros comme lui et pas un habituel profiteur
    (N’est-ce pas JM. Ayraut qui se prépare une retraite à 16.000€ mois par le jeu du cumul des mandats)

    Ceci dit c’est un mieux par rapport aux années Mitterrand, les années Patrice-Pelat, Grossouvre ou Beregovoy et les centaines de Milliards d’€ détournés (Exemple construction de La Défense par Oliver Mitterrand, incroyable, non ?)…

    Et dire que l’on a encore 4 ans pour découvrir les innombrables détournements socialistes…

  13. 16.000e mois sans charges et imports soit 350.000e mais ils n’aiment pas ls riches à 4.000€ mois

Leave a Reply

Your email address will not be published.

×
You have free article(s) remaining. Subscribe for unlimited access.